Billie venait de se réveiller. Recouverte d'une chemise trop grande et les cheveux légèrement en bataille, elle se déplaça bien vite en direction de la cuisine. Sur le plan de travail, trônait une magnifique part de gâteau qui, malgré l'heure tardive, lui donnait follement envie. La jeune femme pencha la tête sur la droite et détailla la tranche d'un air suspicieux. Dix centimètres de longueur et cinq centimètres de hauteur approximativement. Combien de grammes lui ferait prendre une seule bouchée de ce délice ? Un grognement sonore retentit dans la pièce, venant de son pauvre ventre. Quel égoïste celui-là. Il ne pensait qu'à son confort personnel, sans penser une seconde à la carrière de Billie qui se trouvait peut-être entre les mains de ce bout de gâteau. Une main vint caresser la peau tendre et tirée de la belle qui ne contenait même pas un chouïa de graisse. Sa peau était clairement en lien directe avec ses os ce qui ne semblait pas tellement la déranger. Anxieuse, elle tripotait et re-tripotait ce grand bout de chair à la recherche d'un défaut qui lui permettrait de reposer ce bout de gâteau. En vain. Sa poitrine se pencha au dessus de la table où elle y attrapa le triangle de chocolat qui fut bien vite enfourner dans sa bouche. Les miettes se dérobèrent dans son décolleté alors qu'elle se précipitait au toilette. Tremblante, elle se mit un doigt dans la bouche et recracha les quelques miettes de ce gâteau de trop.

Alors que Billie regrettait déjà son excès, elle profita de sa présence dans la salle de bain pour y faire une douche rapide. Devant son miroir, elle détailla son corps maigre qui donnait cette impression bizarre d'être faible. Des gouttes d'eau ruisselaient sur sa peau blanche et ses cheveux mouillés tapaient sur ses omoplates, la secouant systématiquement de sursauts. Peut-être devrait-elle écouter son agent et manger un peu plus ? On n'avait pourtant cessé de lui répéter que les mannequins fines ramenaient plus de contrat. Alors une chose était sûr, tous les moyens étaient désormais bons pour gagner de l'argent. La buée de la vitre floutait la vision de son corps et elle haussa les épaules, sortant de la salle de bain. Son loft était remplit de grandes baies vitrées et malgré tout, Billie adorait se promener nue dans celui-ci. Après tout, les voisins les plus pauvres avaient bien le droit d'avoir une belle vue, non ? La grande blonde appuya sur le bouton de la radio et monta le son. The Plasticines. Bitch. Ce groupe français qui lui plaisait tant. Tout en sautillant, elle ouvrit son dressing et prit une robe Zadig&Voltaire qu'elle venait de voler à un défilé. La jeune femme fit un tour sur elle même et afficha un air satisfait. Un peu de mascara, de l'eye-liner, du blush et de l'anti-cerne, mademoiselle était fin prête. Fin prête à quoi d'ailleurs ? Tout en soupirant, Billie alla s'asseoir sur son canapé une moue boudeuse affichée sur son visage. On était en plein milieu de l'après-midi et elle n'avait aucune idée de quoi faire. Machinalement, elle sortit son portable et fit un rapide tour de ses contactes. Bella, Zadig, Juno .. Penny. Oui ! Penny. Voilà qui elle avait envie de voir. Ses doigts pianotèrent sur le clavier pour finir par envoyer un simple message. « Je viens chez toi. A tout de suite ma belle.xoxo »

« D'solé m'dame, j'vous pose là, j'veux pas vous a'mner là-bas. Faites attention. » Billie haussa un sourcil et regarda le vieux chinois qui lui servait de taxi. « Vous vous foutez de ma gueule là ? De un, j'suis pas une putain de madame et deuxièmement, je paye pour qu'on m'amène EXACTEMENT où je veux. Alors le m'sieur il va bouger ses petits pieds jusqu'où je lui ai demandé. », déclara t-elle en affichant un sourire faux. Ses yeux clignèrent une ou deux fois et elle caressa du bout des doigts le dos du vieux. Le tout suivit d'un clin d'œil et la voiture redémarra. On passa bien vite du paysage idéal à celui légèrement glauque qui qualifiait Brixton. Billie sortit vingt dollars de sa poche, les déposa dans la poche du taxi-man et marmonna un « merci » en se dirigeant vers l'entrée du bâtiment. Devant celui-ci, une prostituée gobait la bouche d'un vieux porc alors qu'à leurs côtés un clochard se faisait sa raille de cocaïne. La jeune femme grimaça et s'enfourna dans le petit hall d'immeuble. Elle grimpa les escaliers, bousculant au passage un dealeur et sa cliente et arriva devant la porte de Penny. Puis, la demoiselle cogna une ou deux ou même trois fois sur la porte. « Penny, ouvres, y'a un mec bizarre qui monte les escaliers ! », déclara t-elle d'une voix forte tout en camouflant un rire.

Un sms, un oeil qui s'ouvre à peine. Penny avait tatonné sous son lit jusqu'à trouver ce qui faisait vibrer jusqu'à sa tête. Un grognement, pour se donner du courage et ouvrit tout grand les yeux. C'était Billie. Elle arrivait. Nouveau grognement. Elle était contente de la voir mais putain qu'est-ce qu'elle choisissait mal son moment ! En tournant sur elle-même, elle avait découvert qu'Alice n'était plus là. Il avait dû foutre le camp sans un bruit pour ne pas la réveiller. Il faut dire que la journée de la veille était loin d'avoir été de tout repos. Ils avaient signé leur contrat, c'était officiel, ils allaient commencer à enregistrer d'ici trois semaines, peut-être moins ! Alors pour fêter la nouveau, après son service, ils avaient fait la bringue toute la nuit: le groupe et quelques autres amis. Ca c'était fini vraiment très tard. Ou très tôt ça dépend du point de vue. Alice l'avait ramené et bordé, comme il le faisait lorsqu'elle était gamine, et elle s'était endormie aussi sec. La dernière vision qu'elle avait eu était celle de son réveil affichant 5h13. A présent il indiquait plus 15h13. Elle s'exterpa de sa torpeur et s'étira de tout son long. Puis elle rejoignit la salle de bain pour une rapide toilette. Billie n'allait pas tarder à arriver, elle devait avoir l'air présentable. Elle était particulièrement attachée à la jeune femme. Elle était proche, très proche. Avec Alice et Peter, elle était l'une des personnes qu'elle aimait le plus au monde. Et dieu sait qu'elle n'aime jamais les gens à moitié. Alors elle n'aimait pas Billie qu'à moitié. Elle n'aimait pas sa blondeur à moitié. Elle n'adorait pas son nez et sa bouche adorable à moitié, elle n'aimait pas ses yeux à moitié.

Elle sortit de la douche, s'essuya rapidement. Elle enfila ensuite un short et, à peine avait-elle enfilé un haut que l'on tambourinait à la porte en criant:

« Penny, ouvres, y'a un mec bizarre qui monte les escaliers ! »

Elle s'était alors précipitée vers la porte pour l'ouvrir et la claqua violemment derrière son amie. En voyant l'expression du visage de Billie, son air hilare, elle avait soudain compris qu'elle s'était moquée d'elle. Elle voulait prendre un air faussement fâché mais elle ne le pouvait pas, son sourire la trahissait malgré son froncement de sourcils prononcés.

« T'as menti ! Sale menteuse ! »

Et elle l'avait bousculé, par instant de vengeance mais très vite elle l'avait prise dans ses bras. Ca faisait un moment qu'elles ne s'étaient pas vues et du coup, elle était bien contente de la voir. Surtout que Billie allait pouvoir l'aider à décuver, elle était bien plus douée qu'elle pour ça. Le simple fait d'avoir bougé trop vivement avait déclenché une migraine colossale dans toute sa tête. Elle porta les mains à ses temps et prit la direction de sa chambre puis de la salle de bain en lançant.

« Tu veux boire quelque chose ? »

« T'as menti ! Sale menteuse ! »
Un léger rire secoua la jolie blonde qui en profita pour faire un immense sourire à son amie. Celle-ci lui répondit par un coup d'épaule plutôt agressif et Billie ne pu s'empêcher de bousculer à son tour Penny. Pour une fois, la jeune femme était plutôt de bonne humeur et voir son amie en cette fin d'après-midi ne pouvait qu'accentuer son merveilleux état. Un sourire aux lèvres, elle enlaça son acolyte et fit claquer une bise sur sa joue. Les deux jeunes femmes ne s'étaient pas vues depuis un bon moment maintenant et fort était à parier qu'elles avaient des tonnes de choses à se dire. Penny et Billie n'étaient pas des simples amies, au contraire, elles étaient bien plus que ça. Leur amitié dépassait les limites possibles. C'était pas une de ces histoires d'amour à la con, parce que dans ces histoires, il y a toujours des séparations ce qui ne serait sûrement jamais le cas dans leur histoire à elle. Bien plus qu'une sœur ou une meilleure amie, plus qu'une confidente ou un fucking double, Penny était tout simplement la seule dans ce putain de monde à qui Billie avait envie de se confier. Et ça, c'était plus fort que tout. « Moi ? Une menteuse ? Tu dis n'importe quoi ! », déclara t-elle en souriant.

D'une main parfaitement manucurée, Billie enleva ses talons qu'elle balança dans un coin, tout en suivant son amie qui se dirigeait vers la cuisine. Sur le chemin -qui n'était pas très long- elle ramassa un élastique et en profita pour s'attacher les cheveux. « Tu veux boire quelque chose ? », demanda Penny. La jeune femme s'adossa à un placard et regarda d'un air suspicieux la petite blonde. Elle avait étrangement l'allure d'une femme qui venait de faire un énorme fête et qui s'était fait réveillée par sa magnifique et gentille pote. Un sourire étira ses lèvres alors qu'elle replaçait une mèche rebelle derrière son oreille. « Tu comptais me cacher ta gueule de bois combien de temps ? », déclara Bille, accompagnant le tout d'un clin d'œil. Penny avait devant elle la professionnelle des après-fête. Depuis toujours, la jeune blonde adorait se rendre à des soirées en sachant que le jour d'après elle devrait se rendre à un défilé. C'est pour cette raison que la jeune femme connaissait tous les trucs et astuces anti-sale-gueule. En voyant la tête de Penny, personne n'aurait pu se tromper. cernes, et mal de tête. Oui, Billie avait clairement vu qu'elle n'arrêtait pas de porter ses mains à ses tempes. Rapidement, elle fit marche arrière et fouilla dans son sac pour en ressortir deux aspirines qu'elle tendit à Penny un sourire aux lèvres. « Prends ça. Et pour la gueule de bois, rien de mieux qu'un perrier citron ! Si t'as ça, ce sera parfait pour nous deux. », déclara t-elle en déformant une fois de plus son visage en souriant de toutes ces dents. « Bon, tu me racontes ? ». Billie adorait écouter les récits de soirée et celui de Penny allait sûrement être passionnant.