♔ Alice & Aiden ♕ « When I say I'm sorry, can you forgive me ? When I say I'll always be there, will you believe me ? » Skinny.lOve

« Alice je… je vais partir, bientôt. » Ces mots avaient été prononcés difficilement. La voix d'Aiden déraillait, il peinait déjà à retenir le flot d'émotions qu'il refoulait sans cesse. Il ne devait pas craquer, pas devant elle. Il l'avait déjà assez fait ce dernier mois. « Comment ça, partir ? » Le jeune homme laissa sa tête repartir en arrière et souffla bruyamment. Comment lui annoncer son départ ? Comment lui faire comprendre qu'il ne pouvait pas faire autrement, qu'il avait besoin de quitter Londres pour se reconstruire ? C'était tellement dur. Légèrement affolée par le comportement anormal de son meilleur ami, Alice s'approcha un peu plus de lui et attrapa son visage entre ses mains pour le forcer à la regarder. Les yeux sombres de Nólan larmoyaient déjà. « Aiden, qu'est-ce qu'il t'arrive ? » Le concernée détourna son regard affecté. Il n'arrivait plus à affronter celui de la fille qu'il aimait en secret depuis trop longtemps déjà. Mais la jeune femme prononça encore une fois son prénom, ce qui le força à la regarder à nouveau. « Parle-moi... » Elle tentait de le rassurer, mais c'était comme si les mots bloquaient dans sa gorge. Il inspira longtemps, bruyamment, tentant tant bien que mal de faire le vide dans sa tête. Il fallait qu'il le lui dise, qu'elle comprenne pourquoi... « Je vais quitter Londres, pour une durée indéterminée. » La nouvelle frappa comme un coup de tonnerre. Alice relâcha subitement son visage et recula d'un pas pour le fixer de ses yeux écarquillés. Elle ne comprenait pas... en fait si, elle se doutait bien qu'il voulait partir pour fuir l'accident qu'il avait vécu il y a un mois, l'accident qui avait tué son frère jumeau. Mais, elle ne pouvait pas s'imaginer le voir partir comme ça, loin d'elle. Elle avait tant besoin de lui. Sa gorge se serra directement et ses yeux rougirent doucement, se remplissant de larmes menaçant de rouler sur ses joues. « Non... tu... tu ne peux pas partir ! Aiden ! J'ai besoin de toi. » Mais le verdict était sans appel. Le jeune homme avait prit sa décision : il allait partir d'ici pour s'installer en Espagne, chez sa famille. Le temps de faire le point, de se reconstruire. Comment se projeter dans l'avenir alors que l'on a fraîchement perdu son frère jumeau et que la fille que nous aimons file le parfait amour avec un gros dur ? Aiden n'en pouvait plus. Il attrapa les mains d'Alice et la supplia de son regard brillant de larmes. « S'il te plait, essaye de comprendre... j'en peux plus de cette culpabilité qui me ronge depuis l'accident ! J'en peux plus de lire la tristesse dans le visage de mes parents ! J'en peux plus de ne plus pouvoir faire un pas chez moi sans voir un objet, une pièce qui me rappelle Johann ! » Une larme roula sur sa joue, il ne prit pas la peine de l'essuyer. Alice l'avait déjà vu pleurer de toute manière. « Je reviendrai, je te le promets. Mais... j'ai besoin de temps. » Pas de retour en arrière, sa décision était prise. Il irait vivre à Barcelone jusqu'à ce qu'il se sente mieux.
Seulement voilà ; il était parti, il avait passé des mois -plus précisément onze- dans la ville de Gaudi, à approfondir son espagnol, à passer du temps avec sa famille, à éviter de penser à Johann, à Alice, à dessiner, peindre... mais il n'avait pas atteint son but. Les jours étaient passés, puis les semaines et finalement les mois. Mais rien, rien ne le faisait changer. Il culpabilisait toujours autant, se remémorait toujours autant son frère défunt, pensait toujours autant à la fille qu'il aimait... D'ailleurs, Alice lui manquait, un peu, beaucoup, passionnément... beaucoup trop ! Il n'en pouvait plus d'être loin d'elle. Alors, quitte à souffrir de son amour pour elle, il préférait rentrer jouer les meilleurs amis et être à ses côtés que d'être séparé d'elle de quelques 900 miles. Il avait donc prit la décision de rentrer à Londres, de reprendre sa vie là où il l'avait laissée. Mais est-ce qu'après onze moi d'absence nous pouvons récupérer ce que nous avons délaissé en partant ? Les choses changent avec le temps, les gens aussi. Alors, allait-ce être si simple que ça de retourner dans sa ville d'origine ? Malgré ses doutes, Aiden était rentré.

Bref, cette séparation de onze moi était passée. Aujourd'hui, ou plutôt ce soir là, Nólan avait enfin décidé de passer voir Alice. Ce n'était pas faute d'avoir essayé plus tôt : cela faisait un peu plus d'une semaine qu'il était de retour et il avait appelé la jeune danseuse plusieurs fois, lui avait laissé des messages, lui avait envoyé des sms, sans réponse, rien. Elle devait lui en vouloir, c'était clair. Onze moi de séparation presque sans aucun contact et le voilà qui débarquait à nouveau dans sa vie. Mais si elle ne daignait pas répondre, comment pouvait-il lui annoncer son retour ? Ce fut la raison pour laquelle il se trouvait, en ce moment même, sur le pallier de sa maison un bouquet de roses rouges à la main. Pourquoi des roses ? Simplement parce qu'il connaissait Alice par coeur et qu'il savait pertinemment qu'elles étaient ses fleurs préférées. Cela faisait à présent un quart d'heure qu'il attendait devant la porte, hésitant encore à repartir. Et si elle ne voulait plus le voir ? Si elle avait tiré un trait définitif sur leur histoire ? Et si... tellement d'hypothèses qu'il en devenait fou. Mais merde, elle était sa meilleure amie et il ne voulait pas la perdre. Il finit donc par toquer à la porte. Étant donné qu'il n'était pas loin de 21h, il ne voulait pas déranger la famille Blake en faisant retentir la sonnette dans toute la maison. Anxieux, il attendit qu'on lui ouvre, faisant les quatre-cent pas sur le pallier, tenant fermement son bouquet de rose en le cachant derrière son dos. Son coeur battait la chamade et les secondes qui défilèrent lui parurent être une éternité.
Mais soudain, la porte s'ouvrit pour laisser le visage de la mère d'Alice apparaître. Surprise, elle dévisagea le jeune homme avant de lui sourire et d'ouvrir complètement la porte. « Aiden, quelle bonne surprise ! Tu es rentré de Barcelone ? » L'interrogé acquiesça et sourit gentiment à la femme qu'il connaissait depuis un moment déjà. « Je suppose que tu viens voir Alice. Entre seulement, je vais la chercher. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Nólan entra dans la demeure et ferma la porte derrière lui alors que Mme. Blake empruntait déjà les escaliers menant à l'étage, certainement pour aller avertir sa fille de la visite. Aiden souffla et lutta contre son rythme cardiaque élevé, en espérant que les retrouvailles se passeraient bien.

« Alice ? Alice ma puce, ouvre-moi… » En tailleur sur son lit, la jeune étudiante se redressa & ouvrit la porte de sa chambre. Sa maman se tenait là, avec un immense sourire affiché sur ses lèvres. Que voulait-elle ? & pourquoi semblait-elle de si bonne humeur ? Alice avait tellement l’habitude de la voir distante & froide au possible, privilégiant simplement les discussions portées sur les soirées mondaines & bourrées de fric. Merde. Elle n’osait tout de même pas l’interrompre pendant ses devoirs juste pour une histoire de robe hors de prix, si ? « Aiden est là… Il veut te voir » Aiden ? Un pincement au cœur survint, la forçant à grimacer de douleur. Aiden. Son meilleur ami. Son soi-disant meilleur ami. Tous les deux se connaissaient depuis plusieurs années maintenant. & tout se passait bien entre eux. Jusqu’à ce que le garçon décide de tout plaquer comme ça, sans explication réellement valable. Certes, il souffrait d’une culpabilité étouffante concernant la mort de son frère. Mais n’aurait-il justement pas pu profiter de la présence de Blake pour remonter la pente ? Elle aurait été là pour lui. Tout comme il aurait pu être là pour elle, quand elle a connu les côtés les plus noirs de son petit-copain. Au lieu de ça ? Alice avait affronté ses difficultés seule. Sans personne capable de l’écouter. Elle lui en voulait terriblement d’être parti. & le simple fait de le savoir présent dans son salon lui filait la nausée. « Allez Alice… fais pas la tête & va le voir. » Aller le voir ? Après près d’un an d’absence ? Elle n’avait plus rien à lui dire. Il ne faisait d’ailleurs même plus partie de sa vie. Leur amitié s’était sérieusement détériorée à cause de cette foutue déception.

Pourtant, Alice céda. D’un pas lent & pieds nus, elle dévala l’escalier. Elle avait le regard bas & le cœur affolé. Elle ne voulait pas revoir Aiden. Pas maintenant. Pas sans y avoir été préparé. Un long soupire s’échappa de sa gorge & finalement, l’étudiante s’approcha de lui. Ses mains, moites, se liaient dans le bas de son dos. Pourquoi avait-il eu l’audace de venir ? Qu’attendait-il de cette visite surprise ? Qu’elle lui pardonne tout ? Jamais. « Salut… » souffla-t-elle en plongeant son regard sombre dans le sien. Un flot de reproches menaçait de passer la barrière de ses lèvres. Elle lança un rapide regard en direction du salon, là où ses parents discutaient. Merde. Ils n’avaient qu’à tendre l’oreille pour entendre la totalité de la conversation à venir. Alors Alice soupira. & leva le menton en direction de l’étage. Tous les deux seraient sans doute mieux dans la chambre – même si la belle ne l’entrainait évidemment pas de gaieté de cœur.

Abandonnant complètement ses dizaines de feuilles éparpillées sur le lit, Alice l’invita au beau milieu de son bordel. & porte enfin fermée derrière lui, elle plaça ses mains sur ses fines hanches. Ses prunelles foncées ne quittaient pas son visage. Ce visage qu’elle avait presque oublié avec le temps. Aiden avait toujours eu une importance énorme dans sa vie. Jusqu’à aujourd’hui. & sa rancœur ne l’aiderait sans doute pas à oublier ses périodes difficiles, où il aurait été le seul à comprendre. Le seul à pouvoir lui venir en aide. Le seul à pouvoir la tirer des griffes de son petit-copain plus que violent. « Si je ne réponds pas à tes appels, c’est pour une raison, tu n’crois pas ? » Sa voix était douce, basse & sans agressivité. Ce n’était sûrement qu’une question de temps. Ses nerfs montaient. Encore & encore. Ses expressions restaient dures & fermées. Elle qui d’habitude, ne faisait que sourire. « Tu crois que le fait de venir ici, avec ces roses, ça va changer quoi que ce soit ? » Certains la trouveront peut-être horrible d’oser lui parler comme ça. Mais… merde ! N’avait-elle pas de bonnes raisons d’être remontée contre lui ? Alice avait confiance. Aveuglement confiance ! & il l’avait trahi. Elle s’était sentie tellement mal, tellement nulle & tellement inutile. Parce que si son ami était parti, c’était éventuellement parce qu’il ne trouvait pas satisfaction aux côtés de la belle, non ? Parce qu’elle n’avait pas les mots ? Quoi qu’il en soit, plus rien ne serait jamais pareil.

Le coeur tambourinant violemment, les mains moites, le visage inquiet, Aiden attendait patiemment dans l'entrée de la demeure. Les minutes lui semblaient interminables, il ne cessait de regarder l'heure qu'affichait l'horloge décorant un des murs qui l'entourait. Le seul bruit qui résonnait était celui de la télévision allumée dans la pièce d'à côté. L'atmosphère était tellement tranquille que le jeune homme pouvait entendre les battements de son palpitant qui ne cessait de jouer aux montagnes russes dans sa cage thoracique. À bout de nerfs, il se mit à marcher doucement, la démarche mal assurée, son regard planté sur le sol. Quand soudain, il entendit des bruits de pas provenant de l'escaliers, ce qui lui fit redresser la tête.

Elle était là, plus belle que jamais. Son rythme cardiaque accéléra encore plus à la vision d'Alice. Bon sang, ce n'était pas le moment de flancher ! Mais la revoir après près d'une année de séparation ne pouvait que le toucher, quand bien même il se préparait mentalement à avoir une discussion plutôt désagréable avec sa meilleure amie -ce terme pouvait-il d'ailleurs toujours être employé ? Elle s'approcha de lui. Aiden ne bougea pas d'un centimètre. Il la fixa, capturé par son visage, tentant de calmer son stress. « Salut… » Ce mot à peine soufflé imposa directement une atmosphère froide. Emprunté, le jeune homme déglutit et lui répondit sur le même ton, sans savoir ce qu'il pouvait ajouter ou faire. « Salut... » Très rapidement, Alice jeta un coup d'oeil vers le salon et fit signe à Nólan pour lui faire comprendre qu'ils seraient mieux à l'étage pour... discuter. Mal à l'aise, il acquiesça et la suivit donc pour emprunter les escaliers et se rendre dans sa chambre, redoutant encore un peu plus les paroles qu'ils allaient bientôt partager.

À peine furent-ils entrés et la porte refermée qu'Alice se posa devant lui, mains sur ses hanches finement dessinées. Leurs regards se croisèrent, ce qui rendit Aiden complètement fou. S'il s'écoutait, il ferait directement marche arrière pour la laisser tranquille, conscient qu'elle ne voulait pas entendre parler de lui pour l'instant -du moins, c'était ce qu'elle laissait voir. Mais bordel, il était tant pour eux de mettre les choses au clair ! Si Aiden ne voulait pas la perdre, il devait tout mettre en oeuvre tout de suite. Il n'aurait pas de seconde chance. Alors autant tout donner, quitte à s'en prendre plein la face. D'ailleurs, la discussion commença très fort. « Si je ne réponds pas à tes appels, c’est pour une raison, tu n’crois pas ? » Ces paroles furent comme une claque reçue en pleine figure. Le coeur du jeune homme se serra et, quelque peu emprunté, il passa une de ses mains dans sa nuque tout en essayant tant bien que mal de prendre la parole. « Alice, je... » Mais la concernée fit bien vite de lui couper la parole, ne lui laissant que le droit de ravaler ses mots. « Tu crois que le fait de venir ici, avec ces roses, ça va changer quoi que ce soit ? » Message reçu cinq sur cinq. Les fleurs n'avaient peut-être pas été la meilleure option, mais au moins, il aurait essayé. Il s'avança vers un meuble décorant la chambre et y posa son bouquet de roses avant de reprendre sa place initiale. Tout en marchant, il joignit ses mains, l'une contre l'autre, et appuya le côté des ses deux indexes contre ses lèvres tout en réfléchissant à la vitesse de l'éclair. Il devait trouver les mots justes immédiatement afin d'éviter, à tout prix, qu'une dispute éclate... bien que cela semblait incontournable. Il finit par se stopper et se tourna vers Alice, laissant son regard voguer un instant au hasard avant de se concentrer sur son doux visage. Il fallait qu'il parvienne à se faire pardonner, il devait absolument la récupérer. Sans elle, sa vie ne rimait plus à rien. Il devait donc y arriver. D'une voix calme mais légèrement mal assurée, il prit la parole. « Écoute je... je suis désolé de débarquer comme ça, à l'improviste, en sachant que ma visite ne serait pas la bienvenue... mais je devais absolument te voir. » C'était un bon début, mais encore trop insuffisant. Soufflant un bon coup, il croisa ses bras contre son torse puissant, sans lâcher la danseuse de ses yeux noirs. « Je sais que tu m'en veux mais, s'il te plait, essaye de comprendre que j'avais besoin de partir. Je n'ai pas fait ça dans le but de te blesser ou de te perdre. J'avais juste besoin d'être seul un moment. » Aiden avait perdu confiance en lui depuis l'accident qu'il avait vécu, et il le ressentait péniblement en ce moment même. Il se sentait nul face à Alice, et c'était loin d'être agréable.

« Salut... » Si l’atmosphère demeurait aussi tendue & désagréable, Alice ne miserait pas sur une conversation digne de deux adultes : à savoir calme & posée. Loin de là. Elle se savait impulsive & parfois odieuse. Les mots étaient souvent choisis pour blesser mais au fond, cela ne signifiait qu’un mal-être certain & irrémédiable. Aiden l’avait déçu en l’abandonnant pendant presque une année entière. & croire qu’elle lui tomberait dans les bras dans l’absolu serait franchement mal la connaitre. Elle réclamait quelques explications – valables si possible – & surtout du temps, encore, afin d’envisager son futur. Avec ou sans lui. Avec ou sans son amitié. Comment pourrait-elle avoir à nouveau confiance en lui après ça ?
Dans la chambre, la jeune danseuse ne perdit pas de temps avant de lui sauter à la gorge. Ses mots dépassaient peut-être ses pensées. Elle n’avait pas voulu être aussi violente, aussi virulente. Après tout, Aiden ne lui appartenait pas… & il était par conséquent libre de partir s’il en avait envie. & surtout, s’il en avait besoin. Perdre un proche : douloureuse étape. Perdre son jumeau ; une sensation inconnue pour bon nombre de personnes. Alice n’était pas quelqu’un de foncièrement égoïste. Elle avait juste eu la naïveté de croire qu’Aiden serait capable de se reposer sur son épaule aussi longtemps que nécessaire. Rien. La brune n’était rien.

« Écoute je... je suis désolé de débarquer comme ça, à l'improviste, en sachant que ma visite ne serait pas la bienvenue... mais je devais absolument te voir. » Le regard de l’étudiante restait fixé sur ce bouquet de fleurs délaissé. Encore une fois, elle regrettait ses paroles. Ou du moins, l’agressivité de ses propos. Ces roses n’arrangeraient absolument jamais la situation. Cela restait cependant une délicate attention. Un long soupire s’échappa malencontreusement de sa gorge. & elle plongea de nouveau ses prunelles dans celles de son interlocuteur. Visiblement, il n’avait pas terminé de s’exprimer. Allait-il être davantage convaincant ? « Je sais que tu m'en veux mais, s'il te plait, essaye de comprendre que j'avais besoin de partir. Je n'ai pas fait ça dans le but de te blesser ou de te perdre. J'avais juste besoin d'être seul un moment. » Agacée, la jeune brune s’avança vers son lit & retira les feuilles une à une, qu’elle rangeant ensuite dans l’un de ses trieurs. Que devait-elle répondre ? Comment devait-elle lui faire comprendre son mal-être sans pour autant tout briser ? L’envie d’être douce demeurait inexistante. & son côté peste prenait de plus en plus d’ampleur. Ça la rendait juste dingue d’être dans cette impasse. Parce qu’effectivement, leur amitié stagnait & ne retrouverait certainement jamais son éclat. C’était impossible. Pas après tout ce temps. « J’espère au moins que ça a été efficace pour toi » Sa voix calme au possible résonnait dans la pièce. Alice posa ensuite ses fesses sur son matelas & joua nerveusement avec ses doigts. Un long soupire s’échappa de sa gorge tandis qu’elle cherchait ses mots. Cela valait mieux que d’innombrables répliques sanglantes. « Écoute Aiden, j’ai compris, d’accord ? T’es parti, t’en avais besoin, je sais. Tu attends quoi de moi, maintenant ? Ça sera plus jamais pareil… » Incapable de rester correctement assise, la brune se redressa & déposa sa veste bleue sur l’un de ses oreillers. La chaleur de la pièce la rendait folle, en plus de ces retrouvailles déstabilisantes. Alice faisait les cents pas dans sa chambre, croisait puis décroisait ses bras. Inutile de décrire son état ; elle n’était pas à l’aise ici. La présence d’Aiden la troublait & étonnamment, elle ne saurait dire s’il s’agissait là de quelque chose de positif… ou négatif.

Se retrouver dans la chambre d'Alice n'était pas des plus rassurant pour le jeune Lewis. Cette pièce représentait tellement à ses yeux. Il était le cocon où lui et sa meilleure amie s'étaient retrouvés bon nombre de fois pour discuter, rire, se taquiner, se montrer leur affection. Tant de souvenirs étaient liés à cet espace, si bien qu'Aiden sentit sa gorge se serrer à mesure qu'il gravissait les marches de l'escaliers. Et pourtant, il se sentit moins perturbé qu'il ne le pensait lorsqu'il se retrouva enfermé avec la danseuse, dans sa chambre. L'atmosphère était électrique. Le jeune homme pouvait sentir la tension que dégageait son amie. À mesure qu'il parlait, il avait l'impression de lire l'incompréhension, puis la colère dans le regard de l'étudiante qui, visiblement nerveuse, mit de l'ordre dans ses affaires de cours. Ses gestes se montraient secs et saccadés, ce qui ne rassura en rien le dessinateur. Il ne bougeait pas, scrutant la belle d'un regard inquiet. « J’espère au moins que ça a été efficace pour toi. » Aiden la regarda s'assoir sur le bord de son lit et baissa la tête tout en grimaçant légèrement. Le temps n'avait rien changé à sa douleur. Sa solitude ne l'avait pas aidé. Il se sentait toujours aussi désemparé, désespéré et coupable. À y réfléchir, il avait fini par comprendre que rien ne pourrait lui faire oublier le tragique accident qui avait coûté la vie de son frère. Il continuerait à vivre avec sa mort sur la conscience certainement jusqu'à son dernier souffle. Et ce n'était pas tout ! Alice lui avait manqué. Il avait en partie décidé de quitter Londres pour se donner le temps d'oublier ses sentiments pour elle. Mais chaque jour, son visage hantait son esprit. Comment l'oublier s'il ne cessait de penser à elle ? Rappelons le fait que, s'il était rentré maintenant, c'était pour elle. Parce qu'elle lui manquait et qu'il savait qu'elle ressentait la même chose, même si en ce moment, elle refusait de l'admettre. Il souffla un bon coup et finit par lui répondre, d'une posée. « Pas vraiment non... ça ne m'a pas aidé à oublier et... j'ai beaucoup pensé à toi. » À la fin de sa phrase, il redressa sa tête et posa ses yeux noirs sur Alice. Il lui arrivait parfois de regretter ce qu'il avait fait, de l'avoir laisser seule si longtemps. Mais il n'avait pas voulu l'entraîner dans ses problèmes. S'il sombrait, il ne voulait pas l'emporter avec lui. « Tu m'as manquée Alice, énormément. » C'était la pure vérité. Il avait pensé à elle chaque jour et n'avait cessé de se remettre en question avec une question qui persistait : « Ai-je bien fait de partir ? »

« Écoute Aiden, j’ai compris, d’accord ? T’es parti, t’en avais besoin, je sais. Tu attends quoi de moi, maintenant ? Ça sera plus jamais pareil… » La dernière phrase fut la plus lourde à encaisser. Alors pour elle, tout était révolu ? Ils ne seraient plus jamais aussi proches qu'avant ? Peut-être qu'au fond, Nolán s'était fait des illusions en osant espérer qu'elle serait un minimum heureuse de le voir rentrer à Londres après onze mois d'absence. Mais elle était tellement froide, distante, semblait tellement remontée contre lui qu'il commençait enfin à comprendre que son comportement l'avait blessée. Elle avait souffert de son absence, tout comme lui en aurait souffert si Alice avait décidé de partir. À cette pensée, le jeune homme passa le bout de sa langue sur ses lèvres pour les humidifier et soupira bruyamment avant de reprendre la parole. « Tu sais que j'en avais besoin mais je vois très bien que ça t'a blessée ! Au fond de toi, tu ne comprends pas pourquoi j'ai préféré la solitude à ton soutien... je me trompe ? » Sa voix s'était montrée très calme, presque douce. Il ne voulait pas brusquer Alice, mais il ne voulait pas non plus qu'elle se braque contre lui et refuse toute approche, verbale ou physique, de sa part. « Je ne te demande pas de tirer un trait sur ces onze mois, comme si rien ne s'était passé. Juste... de ne pas me tourner le dos. » Était-il en droit de lui demander cela ? C'était la question qu'il se posait. Au fond de lui, il espérait tellement que le « Ça sera plus jamais pareil… » n'était qu'à moitié vrai. Il ne voulait pas la perdre, il voulait la garder avec lui, pour toujours. Sans réellement réfléchir, il finit par s'avancer de quelques pas afin de se rapprocher de la danseuse qui, elle, tournait en rond, croisant et décroisant les bras. Aiden l'approcha et la stoppa en l'attrapant délicatement par les bras. Ce contact le rassura, autant qu'il le rendit nerveux. Tant pis si elle le rejetait, mais il ne pouvait plus sentir cette froideur s'imposer entre eux. Plongeant ses yeux dans les siens, il inspira discrètement et murmura avec douceur « Je suis désolé Alice, désolé si je t'ai fait du mal. ». Il s'excusait. Ce n'était pas rien. Après tout, reconnaître ses torts est la meilleure chose à faire pour être pardonné et recoller les morceaux qui ont pu éclaté dans le passé, non ?

« Pas vraiment non... ça ne m'a pas aidé à oublier et... j'ai beaucoup pensé à toi. » Surprise, la jeune femme se tourna vers son ami. Ses yeux sombres plongés dans les siens, elle peinait à le croire. Comment avait-il pu penser à elle &, en même temps, vivre sans prendre de nouvelles ou sans ressentir ce besoin d’être à ses côtés ? Alice avait pensé à lui. Énormément. Mais elle avait été victime de son impuissance & de son manque d’armes. Impossible de contacter Aiden. Alors le chemin d’un chapitre sans son meilleur ami s’était ouvert à elle. & elle l’avait emprunté immédiatement. Aiden ne reviendrait pas, selon elle. & quand bien même il le ferait… tout était terminé. Elle n’aurait plus confiance en lui. « Tu m'as manquée Alice, énormément. » Qu’en serait-il maintenant ? Tous les deux ne retrouveraient jamais leur complicité. Alice ne pourrait peut-être plus lui faire confiance, l’accueillir dans sa chambre, passer des nuits dans ses bras à lui raconter ses problèmes. Tout cela n’arriverait sans doute plus jamais… Alors qu’elle en avait besoin comme jamais. Qu’adviendrait-il donc de leur relation ? Une page s’était tournée au moment-même où Aiden lui avait annoncé son départ. Elle en souffrait depuis tout ce temps. Malgré son silence & malgré son air froid & désagréable. Elle préférait se montrer sous cet angle plutôt que de se jeter violemment dans une étreinte passionnée & excessive. Foutue fierté. « Mais tu m’as laissé. On a passé des années tous les deux. Puis là, tu me forces à vivre sans toi ! T’es… égoïste ! » Elle l’était sûrement elle aussi. Parce qu’elle refusait d’admettre qu’Aiden ait eu besoin de cet éloignement.

« Tu sais que j'en avais besoin mais je vois très bien que ça t'a blessée ! Au fond de toi, tu ne comprends pas pourquoi j'ai préféré la solitude à ton soutien... je me trompe ? » Évident, non ? Alice lui en voulait beaucoup pour cela. Mais quoi qu’elle dise & quoi qu’elle fasse, rien ne changerait. Le passé appartenait au passé. Sa rancœur & ses répliques cinglantes ne l’aideraient foutrement pas à avancer, ni même à oublier. Un soupire franchit sa gorge & elle hocha sa tête positivement. Il avait raison. L’incompréhension la berçait incessamment depuis onze mois maintenant. « Je ne te demande pas de tirer un trait sur ces onze mois, comme si rien ne s'était passé. Juste... de ne pas me tourner le dos. » Aiden n’avait sans doute pas le droit de lui demander cela. Mais elle ? Pouvait-elle seulement refuser ? Sa raison l’incitait presque à l’envoyer balader en lui rappelant toute la souffrance endurée. Mais son cœur lui ordonnait le contraire. Parce qu’elle l’aimait malgré tout. & elle l’aimerait toujours. Malgré la confiance disparue. Malgré la déception. Malgré les épreuves traversées seule. Hésitante & nerveuse au possible, la jeune danseuse s’agitait. Jusqu’à ce que le garçon attrape ses bras & l’immobilise. Il avait ce pouvoir étrange sur elle. Ce pouvoir silencieux qui la calmait au moindre contact de leurs peaux. Ça, ça n’avait guère changé. Ces onze derniers mois n’avaient finalement pas tout balayé. « Je suis désolé Alice, désolé si je t'ai fait du mal. » & il en avait fait. Énormément. Tête basse, Alice haussa ses épaules. Quelques secondes s’écoulèrent. Ou peut-être même quelques minutes. Aucune importance. La belle finit par redresser son visage &, sourcils froncés, elle tapa son torse à l’aide de ses poings démunis de force. Putain ce qu’elle aurait aimé être un mec en cet instant-même. Juste pour lui donner la raclée de sa vie. Au lieu de ça, elle passa ses bras autour de son cou & le serra contre elle. Lâche & faible. « J’te déteste… » Des mots qui signifiaient l’inverse, bien sûr. Mais Alice était sans doute trop fière pour l’admettre. & c’était encore sans doute trop tôt. « Quand tu m’as dit que tu partais, je m’attendais juste pas à ce que ça soit si long… Presque un an, tu te rends compte ? » Sa voix s’était radoucie. Aucun pardon ne lui était cependant accordé. Aiden avait fauté, selon elle. & elle ne comprenait toujours pas pourquoi… pourquoi avait-il décidé de la quitter aussi brusquement. & aussi longtemps. « C’est bien, t’as réussi à avancer sans moi… Moi j’y ai été contrainte. T’imagines même pas l’enfer que ça a été… » Aiden était son point de repère. Son pilier dans sa putain de vie. Sans lui, ça avait été invivable. Aujourd’hui, tout allait mieux. & elle espérait sincèrement que son ami ne jouerait plus avec elle de cette manière. Elle ne le laisserait de toute façon jamais faire.

Spoiler:

« Mais tu m’as laissé. On a passé des années tous les deux. Puis là, tu me forces à vivre sans toi ! T’es… égoïste ! » Égoïste et lâche. Oui, il l'avouait, c'était ce qu'il était. Il avait pensé uniquement à lui, sa souffrance sans réfléchir à comment pourrait se sentir Alice suite à son départ. Il s'était inquiété pour elle, énormément, mais il n'avait pas daigné le montrer, du moins pas jusqu'à aujourd'hui, et il le regrettait amèrement. Il avait peut-être eut besoin de s'éloigner pour faire son deuil et pour oublier l'amour qu'il avait pour sa meilleure amie, mais il aurait dû rester pour elle, pour Alice, justement parce qu'il l'aimait et que, quand on aime, on est censé tout faire pour que cette personne soit heureuse. Et ce n'était pas ce qu'avait fait Aiden. Soupirant doucement, le jeune homme baissa la tête, s'avouant presque vaincu. « Je sais... je suis vraiment désolé. Je m'en veux, si tu savais. » À quoi bon le savoir ? Ce n'était pas ça qui allait faire en sorte que la danseuse lui pardonne tout et le laisse revenir vers elle comme si rien ne s'était passé. Il était tout à fait normal qu'elle lui en veuille et il allait respecter la distance qu'elle allait certainement mettre entre eux. C'était tout ce qu'il méritait après tout.

La jeune Blake soupira et hochant la tête positivement suite aux paroles d'Aiden. C'était évident qu'elle ne comprenait pas. Lui-même n'aurait pas compris si les rôles avaient été inversés, si elle était partie loin de lui pour une durée indéterminée dans le but d'oublier la mort de la jumelle qu'elle aurait perdue. Au fond de lui, il aurait certes compris que cet éloignement était nécessaire, mais il aurait aimé être la personne vers qui elle se serait tournée pour passer par-dessus ce tragique événement. C'est exactement ce que devait ressentir la jeune femme aujourd'hui : elle aurait certainement préféré être l'épaule sur laquelle Aiden se serait reposé pour oublier sa peine plutôt que de le voir partir loin d'elle. « J'aurais dû rester près de toi, j'aurais dû me tourner vers toi plutôt que de fuir... pardonne-moi Alice, j'ai vraiment merdé. » Et c'était le cas de le dire. D'avoir trop pensé à soulager son mal en quittant la ville, il avait mis en péril l'amitié la plus forte qu'il n'avait jamais eue avec quelqu'un. Il était en train de perdre Alice, tout ça parce qu'il n'avait pensé qu'à sa petite personne. Et pourtant, il continuait à espérer que, s'il insistait pour revenir, elle le laisserait reprendre sa place.

Ce pourquoi il s'avança vers elle pour l'immobiliser en l'attrapant par les bras. Il s'excusa, une fois de plus, et la jeune femme redressa sa tête pour le fixer d'un regard noir. Il ne méritait rien de plus. Et là, elle tapa ses poings contre son torse. Surpris, il recula un de ses pieds tout en la lâchant, ne sachant pas comment réagir face à la situation. Devait-il partir et la laisser seule, ou bien la prendre dans ses bras et la serrer contre lui jusqu'à ce qu'elle se calme ? Alice décida cependant pour lui en s'approchant de lui pour passer ses bras autour de son cou et le serrer contre elle. « J’te déteste… » Décontenancé, Aiden hésita un instant avant de passer ses bars autour de la taille de la danseuse pour la serrer contre lui à son tour. Ce contact lui fit un bien fou, comme si on appliquait du baume sur la blessure creusée dans son coeur depuis trop longtemps. Seule Alice avait ce pouvoir de le faire se sentir mieux. Pourquoi diable était-il parti alors ? « Quand tu m’as dit que tu partais, je m’attendais juste pas à ce que ça soit si long… Presque un an, tu te rends compte ? » Elle avait raison. Onze mois c'était énorme, beaucoup trop même. Il avait plusieurs fois hésité à rentrer, mais il s'était montré trop faible, à chaque reprise. Nólan souffla doucement et remonta une de ses mains dans le haut du dos de sa meilleure amie en acquiesçant légèrement de la tête. Inutile d'en dire plus, il n'avait pas le droit de se justifier étant donné qu'il était complètement fautif. « C’est bien, t’as réussi à avancer sans moi… Moi j’y ai été contrainte. T’imagines même pas l’enfer que ça a été… » Le coeur du jeune homme se serra. Un enfer ? Il paniqua soudainement. Bordel, comment avait-il osé la laisser seule tout ce temps ? La serrant un peu plus fort, il tourna légèrement la tête pour poser ses lèvres contre la tempe de la danseuse et resta dans cette position tout en lui répondant d'une voix douce. « Je n'ai pas avancé Alice... je ne peux pas avancer sans toi, mais je m'en suis rendu compte beaucoup trop tard. Je suis vraiment trop con... pardonne-moi, je sais pas ce qui m'a pris pour que je te laisse seule comme ça. Mais... je suis là maintenant. » Sa voix se montra hésitante sur les derniers mots. Il était là, oui, mais le laisserait-elle revenir ?