Une sonnerie stridente se fit entendre dans l’immense chambre plongée dans le noir. Plusieurs secondes s’écoulèrent d’ailleurs, avant que la jeune propriétaire de cet objet ne daigne éteindre la source de ce brouhaha. Huit heure. L’heure pour elle de se préparer & de se rendre à l’université. Première journée. Premières impressions. Le croisement de sa vie. Un grognement sourd s’échappa de ses fines lèvres tandis qu’elle dégageait la couverture mollement. Son lit lui manquait déjà. Sa chaleur également. La richesse de ses parents lui permettait de vivre sans aller à l’école, sans étudier & sans avoir besoin d’un métier. Mais que serait sa vie sans cela ? D’un ennui profond, elle regarderait les minutes défiler, se demandant ce qu’était le but de son existence. Ça ne lui plaisait pas.
Alors ses pas la guidaient jusqu’à la salle de bain. & il ne lui fallut qu’une petite demi-heure pour être entièrement prête. Le temps n’était pas trop mauvais. Elle en faisait ainsi profiter ses robes, qui passeraient sans doute de longs mois cloitrées dans l’armoire quand le soleil laisserait place à des pluies envahissantes & bien trop présentes.

Sac à mains sur son épaule, la belle quitta son domicile & grimpa dans sa voiture noire. Le trajet fut court. Peut-être trop à son gout d’ailleurs. Le stress commençait à lui nouer désagréablement l’estomac. Alice détestait se fondre dans la masse. & ici, ce serait inévitablement le cas. Mais prenant son courage à deux mains, la belle éteignit le moteur & verrouilla son véhicule. Plusieurs regards se posaient d’ores & déjà sur elle. Des regards envieux. Des regards moqueurs. Des regards agressifs & capables de glacer le sang en quelques instants. Ignorante, elle fit claquer ses talons sur le sol telle une mélodie régulière avant d’arriver devant le panneau d’affichage. Ses cours devaient être inscrits là-dessus, au même titre que le numéro des salles & le nom des professeurs. Français. Salle 201 avec Monsieur Terrence. « J’ai plus qu’à m’dépêcher si j’veux pas être en retard… P’tain, j’ai tellement pas envie… » se dit-elle en avançant malgré tout à travers les couloirs. & après de nombreux « pardon excusez-moi », « pardon, tu peux m’dire où se trouve cette salle ? », Blueberry arriva enfin devant la grande porte ouverte. Les étudiants attendaient. Certains faisaient connaissance. D’autres semblaient se faire dessus sous le coup du stress. Alice, elle, préférait rester à l’écart & écouter discrètement les conversations. « Il parait juste que c’prof est complètement taré. Honnêtement pour le reste, j’en sais pas plus. S’il peut mettre l’ambiance, c’est tout aussi bien ! » Effectivement. & d’ailleurs, le prof en question pointa rapidement le bout de son nez, satisfaisant grandement la vue d’une dizaine de nanas. Beau gosse. Impossible de le nier. Peut-être trop sûr de lui ?

La classe se remplissait petit à petit. Les nouveaux – dont Alice faisait partie – attendaient près du bureau afin de récupérer les premiers cours. En retrait, la belle se contentait de patienter. & pour se faire, elle lançait quelques brefs regards au beau milieu de la salle. Visiblement, les affinités s’étaient déjà créées. Ce n’était pas un problème pour elle. Souvent, elle s’incrustait dans un groupe attrayant. Ou restait seule. La faculté lui servait uniquement pour étudier & obtenir son diplôme. Le reste ne l’intéressait foutrement pas.
Plus personne devant le bureau. Presque gênée & désolée, la brune s’avança & sourit faiblement. « Excusez-moi. Bonjour… J’voulais déjà savoir s’il est possible que j’assiste à ce cours… J’vois qu’il y a du monde alors…j’comprendrais si vous préférez que j’m’inscrive à un autre moment » En vue de son inscription tardive, Blueberry se doutait qu’elle ne faisait pas partie de la liste d’élèves. Cet horaire l’arrangeait plutôt bien. Mais si Terrence la refoulait, elle n’aurait malheureusement pas son mot à dire.
Son regard sombre se plongea dans le sien beaucoup plus clair, & elle sourit. Étrangement, elle comprenait l’engouement de toutes ces filles prêtes à assister à ce cours. Elles ne pensaient sûrement qu’à se rincer l’œil, ce qui était tout à fait légitime. « J’ai vu que votre collègue prenait l’heure d’après alors… » & Alice n’insisterait pas plus. Passant machinalement sa main dans ses cheveux bouclées, elle espérait tout de même ne pas devoir rentrer chez elle pour ensuite revenir.

La couverture en dehors du lit, l'oreiller à plusieurs mètres, la tête dans le vide, les pieds à la place de la tête.. C'était à se demander ce qu'il avait foutu cette nuit pour qu'un bordel pareil règne dans cette chambre. Sans parler de cette vieille odeur de renfermé peu agréable qui s'en dégageait. Secoué par les bips incessants de son réveil, Shane posa sa main sur son front en poussant des grognements. « Naaaan pas déjà.. » Gémit t'il mécontent en penchant un peu plus sa tête vers l'arrière. Ouvrant doucement ses yeux, il remarqua que tout se trouvait à l'envers. Putain il avait bu ou quoi ? Oui. La veille, le professeur Terrence avait décidé d'appeler un de ses contacts, une jolie blonde siliconée avec qui il s'était joyeusement envoyé une bouteille de vodka. Et maintenant il s'étonnait que sa tête lui faisait mal ? C'était comme si son cœur battait à l'intérieur. Il n'avait toujours pas bougé d'un pouce et ce bruit continuait d'encombrer la pièce de plus en plus fort.. lui faisant de plus en plus mal. Finalement à bout, il agrippa ses doigts au drap pour s'aider à se redresser. Assis sur son matelas, le regard perdu, il jeta un coup d’œil à droite puis à gauche avant de se laisser tomber en avant, le bras tendu pour écraser son réveil de sa main. Enfin le bruit s'arrêta. Le visage enfoncé dans le matelas, il poussa quelques nouveaux bruits incompréhensible qui montrait sa motivation de se montrer à l'université aujourd'hui.

Mais le temps passait et il n'avait bientôt plus que quelques minutes pour se préparer. Pour le jour de la rentrée, c'était quand même pas très malin. Arriver en retard ? Il était encore à l'essaie avec ce job, étant donné son lourd passé, un rien pourrait lui faire perdre son emploi et il avait bossé trop dur pour tout perdre maintenant. Et puis il y avait cette histoire de dette qui ne lui laissait pas vraiment le choix. S'il voulait vivre un minimum dignement, il devrait se tenir à carreaux. Enfin, comme Terrence peut se tenir à carreaux. Autrement dit, ça ne l'empêchait pas de se défoncer la veille de la rentrée. Tel une momie, il se dirigea vers la salle de bain pour passer l'étape de la douche. Une étape nécessaire mais franchement agréable qui lui permettait de se réveiller un peu et surtout de chasser cette sale odeur d'alcool. Un brossage de dent ne serait pas non plus négligeable. Une serviette autour de son bassin, il retourna dans sa chambre pour trouver des vêtements. Sans se presser, c'est uniquement lorsque son regard se fixa sur le réveil qu'il comprit qu'il n'avait pas le temps de jouer aux mannequins. Il ne lui restait en effet que dix minutes pour s'habiller, récupérer ses affaires de cours et prendre le chemin de l'université. Choisissant les premiers vêtements qui lui passaient sous le nez, il les enfila en quatrième vitesse sans même prendre le temps de se sécher convenablement. Tant pis.

Nouvelle sonnerie, décidément aujourd'hui on voulait tuer ses tympans. Cette fois c'était le signal du début des cours, Shane arrivait juste à temps et son sourire ravageur montrait combien il était fier de cette prouesse. Entrant en premier dans la salle, il balança son sac sur le bureau d'un air complètement je m'en foutiste, à se demander qui était le prof dans cette salle. Se vautrant tel un pacha sur le fauteuil, il se sentait bien de faire une petite sieste là. Ses pieds se retrouvèrent rapidement sur le grand bureau en bois alors qu'il commençait d'ores et déjà à fermer ses paupières. « Excusez-moi. Bonjour… J’voulais déjà savoir s’il est possible que j’assiste à ce cours… J’vois qu’il y a du monde alors…j’comprendrais si vous préférez que j’m’inscrive à un autre moment »  What ? Mais qu'est ce c'est ? Ouvrant un œil, il plissa doucement les yeux en posant son regard sur cette jeune demoiselle qui avait fait son apparition. Avec le brouhaha que faisaient les étudiants et son manque d'attention, il n'avait pas vraiment calculé la demande de l'étudiante. « J’ai vu que votre collègue prenait l’heure d’après alors… » Mais de quoi elle parlait franchement ? Paumé, il fit une grimace avant de faire bouger sa main en direction des différents sièges « Quoi ? Aller aller va t'asseoir. Ça devrait bientôt commencer.. j'pense. » Il se rappuya sur le fond de son siège en refermant à nouveau ses yeux. Lorsqu'elle s'éloigna, il ne pu s'empêcher de rouvrir légèrement ses yeux pour observer la forme de son corps. Son sourire pervers s'infiltra sur ses lèvres alors qu'il riait intérieurement. Incorrigible. Le temps que les élèves s'installent, Shane n'avait pas bougé, il finissait tranquillement sa nuit jusqu'à ce que d'un coup, il se redressa en tapant du poing sur la table « Que ce soit clair, si y'en a un qui a pas envie d'être là, il s'casse tout de suite, j'vais pas crier, j'vais pas faire la police, et j'ai super mal à la tête alors qui en ait pas un qui me fasse chier aujourd'hui. Moi c'est Terrence. » Appuyant ses deux mains sur son bureau, il observa chacun des étudiants d'un air radouci.

Debout face au bureau & face à cet homme à l’allure endormie, Alice attendait son avis. Peut-être qu’il refuserait une élève de plus. Ou peut-être ne s’en formaliserait-il tout simplement pas. Elle préférait juste s’en assurer & s’inscrire éventuellement, par la suite, à ce cours de français. Bordel. Qu’est ce qui lui avait pris de choisir une telle matière dans ses options ? Elle ne comprenait foutrement rien ! « Quoi ? Aller aller va t'asseoir. Ça devrait bientôt commencer.. j'pense. » Heureuse de ne pas être refoulée, Blueberry lui adressa un sourire & fit demi-tour, à la recherche d’un endroit où s’asseoir. Ses fesses se posèrent sur un siège posé juste à côté d’une jeune femme visiblement tout aussi seule qu’elle. Parfait. Soit l’inconnue resterait silencieuse & tout se passerait bien. Soit elle décidait d’ouvrir sa bouche & Alice discuterait un moment avec elle. Histoire de faire connaissance & ne pas errer telle une âme en peine durant toute l’année. Sortant tranquillement son bloc-notes sur la table, elle repensait malgré elle à l’attitude de ce professeur. Parlait-il toujours ainsi ? Ça ne l’avait pas choqué. Parce que d’après elle, tous les hommes se prenaient pour des êtres invincibles, employant des mots plus ou moins déstabilisants pour garder le contrôle. Ce type devait sans doute faire partie de cette espèce humaine majoritaire.

« Que ce soit clair, si y'en a un qui a pas envie d'être là, il s'casse tout de suite, j'vais pas crier, j'vais pas faire la police, et j'ai super mal à la tête alors qui en ait pas un qui me fasse chier aujourd'hui. Moi c'est Terrence. » Qu’il se détende ! Assez surprise, Alice releva son visage & posa ses prunelles sur ledit Terrence. Les traits fatigués. Les paupières visiblement lourdes. Finalement, peut-être qu’elle devrait elle-même de désister & assister au cours suivant. Cela lui éviterait de tomber sur des professeurs qui passaient plus de temps à hurler qu’à enseigner. Au loin, Blake reconnut la nana, celle qui prétendait que l’enseignant était « taré » & qu’il risquait de « mettre l’ambiance ». Putain. Quelle conne. Elle n’avait sans doute rien compris. Silencieuse, Alice attrapa son stylo & croisa ses longues jambes sous la table. Le cours allait débuter & prendre des notes lui était grandement nécessaire. Le français restait une matière qui lui posait beaucoup de soucis. Peu étonnant étant donné qu’elle n’avait jamais quitté Londres. Malgré sa richesse. & malgré les nombreux voyages de ses parents. Ceux-ci ne juraient que par New-York & leurs business incompréhensibles de toute façon.

Sa voisine oublia toute volonté de silence au bout d’une dizaine de minutes. Alice, quelque peu désorientée, l’écouta en souriant & acquiesçait sans forcément cerner le sens de ses mots. Ça l’intéressait ! Un peu… Cette fille était d’un genre superficiel, hautain & fier. Bref, en aucun cas captivante. Alors elle feintait. Jusqu’à ce qu’une question lui soit posée. « Owh euh… Alice, j’m’appelle Alice… » répondit-elle en lançant quelques brefs regards au professeur.

Sa main s’activait sérieusement sur sa feuille de papier & recopiait tous les mots qu’elle entendait. Son brouillon n’avait ni queue ni tête & elle-même doutait de sa capacité à en retrouver la signification exacte. Peu importe. Elle travaillerait ou demanderait à quelqu’un de beaucoup plus doué qu’elle. Merde. La fac n’était pas un bon choix. « Excusez-moi ? Vous pouvez juste répéter ? » demanda-t-elle gentiment. Ce qu’elle espérait ? Qu’il s’exprime aussi posément qu’elle. Qu’il ne s’emporte pas & ne montre surtout pas ouvertement que ça l’agace d’être ici. N’était-ce pas incontestable ? Dommage pour lui. Parce qu’Alice ne comptait pas l’épargner sous prétexte qu’il avait une mine fatiguée & une furieuse envie d’avoir le silence. Son diplôme passait avant ses états d’âmes.

Maintenant présenté, il ne restait plus qu'à ce fameux professeur de commencer son cours. Mais par quoi ? Fouillant dans ses papiers, Terrence se rendit compte qu'il n'avait pas pris ses cours du jour. Ils devaient sûrement traîner sur le table du salon et forcément, il ne les avait pas rangé dans son sac. Soit. Il ferait sans, après tout, il parlait français alors ce ne serait sans doute pas trop compliqué d'improviser quelque chose. Il commença par se présenter dans cette langue que ses étudiants devaient avoir acquis plus ou moins en fin d'année. Il était facile pour lui de parler cette langue étrangère pour la simple et bonne raison qu'il s'agissait de la langue maternelle de sa mère adoptive. Sa mère qu'il n'avait pas contacté depuis plusieurs années si ce n'est pas un ou deux mails pour dire que tout va bien. Il n'était pas du genre fils à papa, et de toute façon il avait plus de 30 ans maintenant alors il serait peut être temps qu'il vole de ses propres ailes, non ? Il commença à raconter sa vie, enfin une vie qu'il s'était plus ou moins inventé. Il n'était pas fou au point de livrer tous ses secrets à de pauvres gamins qu'il ne connaissait même pas. Dans tous les cas, il était persuadé que seule une dizaine d'étudiants avaient réellement suivis la conversation, les autres semblaient complètement largués et il s'en fichait pas mal. Brouillonnant quelques mots au tableau qu'il jugeait plus ou moins importants, il s'apprêta à terminer son récit jusqu'à ce qu'une main se lève. Elle, encore elle ? « Excusez-moi ? Vous pouvez juste répéter ? » Croisant ses bras, le professeur posa un moment de silence, il fixa la demoiselle en s'avançant d'un pas lent de sa table. Son visage ne trahissait aucune expression, ni de la méchanceté, ni de la joie, rien. Il regarda alternativement les deux voisines de tables avant de se retourner pour enfin se mettre à parler. « Peut être que si t'arrêtais de parler à ta voisine t'arriverais à suivre ce que j'dis ? » Et il se remit face à elle, glissant un nouveau silence avant de sourire et de reprendre son récit sans répéter évidemment ses mots précédents. Il ne fallait pas se foutre de sa gueule non plus et puis l'air limite arrogant de la demoiselle l'avait légèrement froissé et incité à ne pas répondre positivement à sa requête.

Retournant à son bureau, il posa le bout de ses fesses sur le rebord en bois en observant chacun des visages présents devant lui. Sur certains, il pouvait y lire de la peur, sur d'autres une grande envie d'apprendre mais sur celui de cette jeune femme qui l'avait déjà importuné deux fois, il y lisait une sorte de mépris. Maltraitant un moment ses lèvres avec ses dents, il sourit malicieusement en tapotant ses doigts sur le bureau. « Qui aurait envie de se présenter ? En français cela va de sois.. » Voyant quelques doigts se lever, il grimaça un peu avant de poser évidemment son regard sur la jolie brune qui – on ne se demandera pas pourquoi – l'intéressait étrangement pour cette question. Oh oui, il avait bien envie de voir ce qu'elle avait dans le ventre. A quel point pouvait-elle avoir cet air assuré ? Quand parviendrait-il à la déstabiliser ? Finalement cette journée et ce cours particulièrement devenait grandement intéressant. « Pourquoi pas.. toi ? Je suis certain que ta vie va nous passionner. » Lança t'il avec un regard remplie de défis. Ça n'était sans doute pas correcte de prendre une élève comme ça et de s'acharner contre elle mais ça.. Shane ne s'en rendait pas compte. Pour lui ça n'était qu'une vaste plaisanterie et puis, si elle le haïssait ce n'était pas grave, ce n'était ni la première et certainement pas la dernière. Il prenait plaisir à voir jusqu'où les gens étaient prêt à aller avant de baisser leurs gardes. Avant qu'elle ne fasse un mouvement de plus, il se rapprocha à nouvelle de sa table et la coupa « Ah mais.. viens par ici je t'en pris.. » Il montra la paume de sa main et la dirigea vers la place devant le tableau. En gros, il lui demandait de faire sa présentation devant tout le monde. Son regard s'était planté dans le sien, il ne pouvait pas le nier, cette jeune fille avait un visage magnifique et son regard pétillait mais elle semblait avoir un fort caractère et ça.. c'était quelque chose qui lui plaisait tout particulièrement. Maintenant, il voulait savoir à quel point sa force intérieur était grande et qu'elles étaient ses limites. Se reculant un peu, il s'appuya le dos contre le tableau, relevant son pieds en arrière contre le mur, patientant simplement que l'étudiante se lève pour faire ce qu'il lui avait demandé. Elle avait voulu participer à son cours, non ? Et bien elle n'allait pas le regretter.

Pourquoi poser cette foutue question ? En voyant son professeur s’approcher ainsi de sa table, Alice comprit qu’il ne lui répondrait pas comme elle l’aurait souhaité. Bon sang. Ses yeux sombres soutenaient les siens tandis qu’elle appuyait son dos contre la chaise dure & inconfortable. « Peut être que si t'arrêtais de parler à ta voisine t'arriverais à suivre ce que j'dis ? » Bouche entrouverte, la belle manifestait sa surprise. Sérieusement ? Il allait continuer son cours sans même l’aider à s’y retrouver ? Ses lacunes ne feraient qu’augmenter s’il agissait de la sorte à chaque fois qu’elle s’autorisait une question. Mais qu’à cela ne tienne. Sans insister davantage, Alice reporta son attention sur sa feuille de brouillon & compléta ce qui lui manquait par les nouveaux mots qui traversaient ses oreilles. Ou par des petits dessins nullement appropriés. Ce professeur commençait réellement à lui taper sur le système. « Qui aurait envie de se présenter ? En français cela va de soi.. » Intérieurement, elle plaignait celui ou celle qui serait désigné. N’acceptant pas toujours le regard des autres, Alice ne se porterait certainement pas volontaire. & puis d’ailleurs, que raconterait-elle ? Sa vie restait privée. & le simple fait de devoir parler en français lui filait la nausée. Jamais elle ne réussirait à relever un tel défi. Impossible. Curieuse, elle tourna son visage vers tous ces doigts levés. Ces gens désiraient-ils juste progresser ? Ou maitrisaient-ils parfaitement cette langue étrangère ? Si c’était le cas, chapeau bas. « Pourquoi pas.. toi ? Je suis certain que ta vie va nous passionner. » Le professeur la regardait. Elle & personne d’autre. & en plus de cela, il arborait un sourire presque sadique. À moins que son imagination ne lui joue des tours ? S’apprêtant à répondre par la négative, elle le vit s’approcher. Encore & encore. Bordel. Elle était juste foutue maintenant. « Non je… » Coupé dans son élan, elle fronça ses sourcils. « Ah mais.. viens par ici je t'en pris.. » Suivant du regard la paume de sa main, Blake eut peur de comprendre. C’était juste hors de question qu’elle s’exprime haut & fort devant tout ce monde. « Mais… j’suis très bien à ma place ! » assura-t-elle en sachant pertinemment que cela ne ferait pas pencher la balance en sa faveur.

Alors, prise au piège, l’étudiante se leva. Ses hauts talons cognaient le sol en rythme avant qu’elle ne s’arrête juste là, devant le bureau. Toutes ces paires d’yeux posés sur elle la mettaient réellement mal à l’aise. Les filles la fixaient, peut-être jalouse de ses vêtements haute-couture qu’elle exhibait. & les hommes bouffaient littéralement ses jambes nues du regard – ou sa poitrine mise en valeur par son décolleté. Un long soupire s’échappa de ses lèvres & finalement, Alice recula davantage. De sorte à se retrouver derrière le bureau, à plus ou moins deux mètres de Terrence. « J’dois me présenter ? Ok… alors… je… suis Alice. Je suis… vingt ans. Je… aime la danse. Je…habite à London. » Médiocre présentation. Un écolier aurait pu faire mieux. Malheureusement, elle n’avait aucune foutre notion de français parce qu’elle ne s’y était jamais intéressée. & parce qu’elle n’aurait jamais imaginé devoir choisir cette matière à la fac. Ses efforts passeraient sans doute pour une immense moquerie. & pourtant. Alice essayait mais savait parfaitement que son professeur ne serait pas satisfait. Quoi de plus normal ? « J’ai… un chatte ! & je sais pas parler français bien. » Totalement ridicule. Abandonnant tout espoir de construire au moins une phrase correcte, la jeune femme croisa ses bras sous sa poitrine & lança un bref regard en direction de l’enseignant. Elle s’attendait à tout venant de lui : des reproches cinglantes, des moqueries, des sanctions – bien que ça soit terriblement injuste. « J’aurais peut-être réussi à faire quelque chose de bien si vous m’aviez répondu tout à l’heure… » souffla-t-elle sans aucune agressivité & sans aucune insolence. Alice savait rester à sa place. Elle était l’élève. Lui le professeur. Elle ne lui manquerait pas de respect, mais aurait tout de même aimé qu’il soit un peu plus attentif à ses questions. Après tout, c’était la moindres des choses !

Haussant ses fines épaules, la jeune femme joua nerveusement avec les pointes de ses cheveux. Pouvait-elle retourner à sa place maintenant ? Elle n’ajouterait rien de toute façon. Pas après la honte publique qu’elle venait de s’infliger.

Sadique ? Oui probablement, c'était bien son style de se faire plaisir en voyant les autres dans la galère. Il lui demanda non seulement de se présenter dans une langue que les étudiants commençaient à apprendre mais en plus de le faire devant tout le monde. C'était méchant mais c'était lui. Et puis ça forgeait le caractère, une manière de se surpasser. Dans la vie, on peut parfois être confronté à des situations qui nous font perdre les pédales, qui ne nous mettent pas à l'aise. Alors il faut se préparer à ça. Pourquoi elle ? Tout simplement parce que c'était la seule qui avait attiré son attention parmi ce panel d'élèves. Et peut être que son mépris pour lui l'avait enchanté dans quelques idées cruelles et injustes. Il ne la connaissait pas assez pour savoir comment elle réagirait face à la situation. Se ferait-elle toute petite ou garderait la tête haute quoi qu'il arrive? Tenterait-elle de faire ce qui lui était demandé ? « Mais… j’suis très bien à ma place ! » En homme désagréable qu'il était, Shane insista en penchant sa tête sur le côté et en dirigeant son regard vers le bureau. De toute façon, il valait mieux qu'elle s'aventure dans cette requête même si le travail n'était pas à la hauteur des attentes du professeur plutôt qu'elle refuse sans même avoir essayé. La voyant se lever, un petit sourire se colla aux lèvres de Terrence. Ce n'était en rien un sourire sadique, seulement une petite victoire qu'il s'accordait et qu'il lui accordait. Lorsqu'elle passa à côté de lui, il lui échangea un regard de défis avant de l'observer. Elle avait un visage d'enfant mais son corps était celui d'une femme. D'une très jolie jeune femme et ça il ne pouvait pas le nier. La laissant rejoindre le tableau sans rien dire, il observa la réaction de quelques garçons qui semblaient bander juste en la regarder et il se mit à rire intérieurement. « J’dois me présenter ? Ok… alors… je… suis Alice. Je suis… vingt ans. Je… aime la danse. Je…habite à London. » Alors qu'elle commençait cet exercice difficile, le professeur de français prit sa place comme s'il était devenu l'étudiant et elle, la professeur. Ne l'écoutant qu'à moitié, il fixa un moment les papiers qui se trouvaient sur le bureau et arrêta ses yeux sur ses notes. Il y avait des trous, des fautes et Shane attrapa un stylo qui traînait sur la table pour remettre un peu d'ordre dans ce fouillis. Peut être qu'il n'était pas sympa d'apparence, mais ça ne l'empêchait pas d'être un minimum humain. Qui l'aurait cru ? Il n'avait pas répondu à sa question tout à l'heure mais à l'instant, il était entrain d'y répondre en écrivant les mots manquant sur cette feuille. En corrigeant les différentes erreurs qui s'y trouvaient.

« J’ai… un chatte ! & je sais pas parler français bien. » Relevant immédiatement son regard vers elle, il échappa un léger rire amusé, non ça n'était pas moqueur, les langues sont bizarrement faites parfois. Il reporta son attention sur ses notes et remarquant les différents dessins qui n'avaient rien à voir avec les cours, il se mordilla la lèvre avant de lui aussi se mettre à dessiner.. Un lapin. Pourquoi un lapin ? Parce que c'était sans doute la seule chose qu'il savait dessiner. Fier de son dessin, il signa Terrence en dessous avant de se renfoncer dans son siège en observant l'étudiante qui s'en sortait quand même la tête haute. Elle n'était pas à l'aise mais qui le serait ? A part les petits cons de service, lorsque l'on ne connaît pas grand chose d'une matière, on a pas spécialement envie de se lancer dans un défis suicide. « J’aurais peut-être réussi à faire quelque chose de bien si vous m’aviez répondu tout à l’heure… » Croisant ses bras sur son torse, il ne fit pas vraiment attention aux derniers propos de la jeune femme. Il se fichait en réalité de la qualité de son travail, il avait juste voulu la taquiner un peu. Alors comme si de rien était, il se leva et se rapprocha de l'endroit où elle se trouvait. « A ta place » Lança t'il sur un ton tout à fait banal, pas d'agressivité, pas d'autorité. Non, il pensait même la soulager d'un poids en lui demandant de retrouver sa chaise. Entendant un rire dans la salle, il releva un regard noir en direction de la personne « Suffit, tiens viens au tableau toi, pour te présenter un peu au lieu de faire le malin » Il se vautra sur son siège et fit comme ça, passer quelques élèves à tour de rôle pour qu'ils parlent un peu français. A la suite de ça, il reprit les erreurs les plus frappantes, comme pour l'âge où l'on utilisait le verbe avoir. Des petites choses que l'on pouvait rapidement corriger. « Ah oui.. mademoiselle.. Alice ? Quand vous dîtes, j'ai une chatte.. Ça peut porter à confusion. Dites seulement que vous avez un chat. » Il n'en expliqua pas d'avantage et reprit ses explications sur un autre sujet. Pourquoi la vouvoyait-il maintenant ? Peut être parce qu'elle avait réussi à gagner son respect en acceptant de relever son défi.

Il s’agissait là sans doute de ses premiers mots en français. Alice avait tenté de reprendre les mêmes termes que son professeur mais malheureusement, sa mémoire lui faisait défaut. Les erreurs s’enchainaient sans qu’elle ne s’en rende compte & Terrence ne daignait lever les yeux vers elle afin de la corriger. Bordel. Elle se sentait nue. Nue devant tous ces gens qu’elle ne connaissait pas. Nue devant cet enseignant à la présence impressionnante. Pourtant, elle ne se démontait pas & parlait encore & encore. Jusqu’à ce que les mots lui manquent. Jusqu’à ce qu’elle ne sache plus quoi ajouter. Jusqu’à ce qu’elle pose ses prunelles marron sur le plus âgé, qui semblait écrire quelques mots sur son brouillon. Merde. Peut-être aurait-elle dû s’abstenir & ainsi ne pas dessiner telle une enfant entre ses lignes ? Pour quoi allait-il la prendre encore une fois ? Un soupire s’échappa de ses fines lèvres. & elle attendait. Un mot. Une phrase. Une explication. N’importe quoi mais putain qu’il ait au moins la présence d’esprit de ne pas la laisser là, à une place qui ne lui convenait fichtrement pas ! « A ta place » Tout sourire, la belle quitta l’endroit déstabilisant afin de rejoindre sa place. Directement, ses pupilles fixaient sa copie. Ses fautes étaient corrigées. Les mots avaient été rajoutés & un dessin jouait parmi les siens. Un lapin. & une signature. Ok, définitivement, ce professeur était complètement cinglé. Malgré elle, Alice se mit à rire de manière tout à fait silencieuse – elle ne tenait pas à être encore prise en grippe par Terrence. La discrétion deviendrait son mot favori dans ce cours. « Ah oui.. mademoiselle.. Alice ? Quand vous dîtes, j'ai une chatte.. Ça peut porter à confusion. Dites seulement que vous avez un chat. » Relevant ses yeux de velours dans sa direction, la belle hocha sa tête positivement. Elle était rassurée de voir tous les étudiants passer après elle. Elle se sentait moins « attaquée », moins persécutée. « D’accord…& pourquoi ça peut porter à confusion ? » Le prochain sujet était déjà lancé mais Blueberry ne s’en formalisa pas. Après tout, Terrence enseignait également pour répondre aux questions de ses élèves. & tant qu’il ne comprendrait pas que la brune n’abandonnerait pas, elle continuerait. La preuve.

« & là vous n’pouvez pas refuser de me répondre sous prétexte que je discute » Un sourire satisfait s’empara de ses lèvres. Comme d’habitude, elle lui parlait dans le respect le plus complet même si finalement, un semblant de rapport de force semblait s’être installé entre eux. Alice se sentait à l’aise malgré les apparences – & si on en oubliait ce moment désagréable passé devant tout le monde. Terrence ne l’impressionnait pas plus que cela. Contrairement à certaines nanas totalement apeurées, tremblantes & prêtes à faire une syncope à la simple entente de leurs prénoms.

Mais l’heure avançait. Rapidement. L’enseignant voudrait peut-être terminer son cours avant la sonnerie stridente & avant de devoir laisser place à son collègue. Alice observait & elle se doutait qu’elle n’était pas la seule à trainer quelques lacunes aussi péniblement qu’un boulet attaché à ses chevilles. Est-ce que ça devrait la rassurer ? Une moue s’afficha sur son visage. & rapidement, elle saisit son stylo. De nouveaux mots noircissaient sa feuille de brouillon. De nouvelles fautes sans doute. « Ok… il faudrait peut-être que j’apprenne à me taire, il va me descendre si j’continue comme ça » songea-t-elle en baissant ses prunelles vers sa robe, qu’elle réajusta immédiatement. Derrière elle, deux amies vantaient le physique de leur professeur. Ses yeux clairs. Son torse sûrement très agréable. Ses fesses attirantes & rebondies dans son pantalon blanc. Son sourire. Ses expressions tout aussi excitantes que repoussantes. Son comportement détestable. Discrètement, Alice leva les yeux. Sérieusement ? Elles fantasmaient sur lui ? Les pauvres. Ce mec ne leur prêterait sans doute jamais aucune attention. Trop hautain & trop « je-m’en-foutiste ».

Décidant de ne plus martyriser la même élève, il passa à d'autres cas avant de faire un résumé globale des différentes fautes commises. Il n'allait pas s'exciter sur ses étudiants parce qu'ils commettaient des erreurs. En même temps, s'ils parlaient tous parfaitement français, ils n'auraient rien à faire là et Terrence ne servirait à rien. Quelque part, il aimait bien cette sensation d'être utile à quelque chose du moment que ça ne lui bouffe pas tout son temps et qu'il puisse encore être libre de ses mouvements. Il s'apprêta à parler des abréviations du « je » les j'aime, les j'adore, quelque chose de plutôt compliquer à expliquer. Pourquoi disait-on « je danse » et pas « j'danse » alors qu'on disait « j'aime danser » et pas « je aime danser » ? C'était comme ça. Le français était une langue foutrement compliquée mais c'était sans doute ce qui faisait son charme. Shane aimait la France et il aimait l'accent que sa mère adoptive avait lorsqu'elle parlait que ce soit dans sa langue maternelle ou en anglais. Chassant sa mère de ses pensées, il releva les yeux en entendant cette voix qu'il commençait à connaître. « D’accord…& pourquoi ça peut porter à confusion ? » 

Fixant silencieusement la demoiselle, il passa sa langue sur ses lèvres pour les humidifier un peu et pencha sa tête sur le côté. Alors passer devant tout le monde ne lui avait pas suffit ? Il s'était franchement imaginé qu'elle ne dirait plus rien du cours mais pourquoi pas. Il aimait les filles de caractère et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle.. elle en avait. « Pourquoi ? » Son sourire s'étira et laissa apparaître ses dents. C'est vrai après tout, il lui devait bien cette explication et ça ne le gênait pas du tout d'en apporter une, il faudrait bien plus que ça pour le déstabiliser. Prenant une impulsion sur le bureau, il assit ses fesses directement dessus en appuyant ses paumes des mains sur le bois clair. « Parce que « chatte » signifie aussi dans un langage familier votre intimité, le sexe féminin. Et ça, nous ne doutons pas du fait que vous avez comme toutes les filles ici présentes une « chatte ». » Ne la lâchant pas du regard, ses yeux bleus pétillaient de provocation alors qu'il détourna finalement son regard. En quelques secondes, ce professeur pouvait passer de l'énervement au calme le plus complet, au regard sombre puis au regard doux ou provocateur. Son humeur changeait tellement vite qu'il était souvent improbable d'imaginer ses réactions. Lunatique on appelle ça, et bien il portait parfaitement bien cet adjectif. « Une autre question ? » Il regarda l'ensemble des élèves en souriant avant de jeter un coup d’œil à sa montre. Il ne lui restait qu'une dizaine de minutes avant que ne sonne la fin des cours.

Faisant une petite moue en envoyant sa bouche à droite et à gauche, il se leva en un bond et se planta à nouveau face aux étudiants. « Pour la prochaine fois, j'voudrais que vous me trouviez d'autres sens qui portent à confusion.. comme l'exemple soulevé par Alice. Et on en parlera tous ensemble. » S'approchant de la chaise de son bureau, il commença à rassembler ses affaires et se rendit compte qu'il était le seul à le faire. Décidément ces étudiants il faut tout leur dire. « Aller, aller, sortez, c'est fini » Qu'importe qu'il leur reste du temps ou non, Terrence avait besoin d'une petite pause avant son prochain cours. Sa tête menaçait toujours d'exploser et une petite cigarette l'aiderait probablement à chasser ce mal. Il glissa donc ses quelques papiers dans son sac avant de s'approcher de la fenêtre pour l'ouvrir. Là, il sortit son paquet de clope et en dénicha une avant de la glisser entre ses lèvres. D'un geste vif, il en alluma le bout avant d'inspirer franchement sur ce bâtonnet de cancer. Il était interdit de fumer dans les bâtiments mais qui irait le dénoncer ? Un étudiant ? Le pauvre qui s'amuserait à faire ça verrait sa vie à l'université devenir un véritable cauchemar. Terrence n'était pas forcément quelqu'un d'ignoble, du moment que vous l'écoutiez, ne lui chercher pas les poux, il se fichait de vous. Vous ignorait. Par contre à partir du moment où vous l'agaciez, là le jeu commençait et c'était lui qui en fixait les principales règles. Cigarette terminée, il l'éjecta à travers la fenêtre avant de retourner chercher ses affaires. Alors qu'il s'apprêtait à sortir de la pièce, deux jeunes filles s'approchèrent de lui et il les détailla quelques secondes du regard. L'une d'elle avait les joues extrêmement rouge et l'autre lui lançait des regards provocateurs qui lui donnait envie de rire. Elle lui bredouilla un besoin de cours particulier et il haussa ses sourcils « Je donne pas dans les cours particuliers. » Là, il les planta avant de quitter la pièce.

« Pourquoi ? » Effectivement, c’était sa question. Pourquoi est-ce que son propos pouvait prêter à confusion ? Où était son erreur ? & comment la reconnaitre ? Alice voyait le sourire de son professeur s’agrandir & quand il décida de grimper sur son bureau, elle fixa la moindre de ses expressions. Son visage parlait tellement. « Parce que « chatte » signifie aussi dans un langage familier votre intimité, le sexe féminin. Et ça, nous ne doutons pas du fait que vous avez comme toutes les filles ici présentes une « chatte ». » Le regard qu’il venait de lui lancer aurait facilement pu la déstabiliser & la mettre mal à l’aise. Au lieu de ça, Alice se mit à sourire malicieusement. Finalement, sa phrase avait du sens & elle ne s’était pas totalement trompée. Satisfaite, la jeune femme nota la nuance sur sa feuille de brouillon & suivit attentivement le cours. Jusqu’au bout & sans plus jamais interrompre Terrence. Elle jugeait sûrement que ça suffisait pour l’instant. Le pauvre allait saturer si elle poursuivait sur sa lancée alors qu’une année entière encore les attendait. « Pour la prochaine fois, j'voudrais que vous me trouviez d'autres sens qui portent à confusion.. comme l'exemple soulevé par Alice. Et on en parlera tous ensemble. » Ladite Alice commença d’ores & déjà à ranger ses affaires. Les élèves n’osaient pas sortir. Elle ne se gêna pas pour lever ses fesses de son siège. Réajustant une énième fois sa robe, elle lançait quelques regards à son professeur, debout & prêt à fumer sa clope à la fenêtre.

Étonnamment, les deux nanas placées derrière elle s’avançaient très vite vers le bureau de Terrence. Comptaient-elles sérieusement le draguer dès maintenant ? Amusée, la belle sortit de la salle & dégaina son emploi du temps. Parfait. Son prochain cours n’avait lieu d’en début d’après-midi. Cela lui laissait le temps de rentrer chez elle & se reposer quelques instants. « Faut sûrement s’appeler Alice & montrer son cul pour avoir droit à des cours particuliers ! » scanda la première étudiante. Sourcils froncés, Alice releva son visage & regarda tout autour d’elle. L’enseignant venait de quitter la salle. & les deux étudiantes la reluquaient de manière tout à fait désobligeante. L’air méprisant qui s’affichait sur leurs visages aurait pu lui donner des envies de meurtres prémédités. Mais elle n’en fit rien & se contenta d’avancer à travers les couloirs. Merde. Comme si son attitude indifférente allait changer quoi que ce soit. Au contraire. Les nanas poursuivaient sur leur lancée. Jusqu’à ce qu’Alice se retourne. « Tu ferais mieux de te calmer. C’est pas de ma faute si votre tentative de séduction a échoué ! Alors merde ! » Agacée au plus haut point, Alice traversa l’allée remplie d’élèves. Rapidement & en percutant toutes les personnes qui osaient lui barrer le chemin. Les filles. Les mecs. & même son professeur. Qu’importe. Blueberry ne se retourna pas & s’engouffra dans le hall. Portable à la main, elle lut ses messages & fronça les sourcils en remarquant un appel de sa mère. Sûrement une nouvelle invitation à la prochaine soirée branchée. Inutile de la rappeler. Cela ne serait que la source d’un énième conflit entre les deux femmes.

Alors seule, elle se dirigea vers le parking & posa ses fesses sur le capot de sa voiture noire. Son regard se posa sur l’immense bâtisse de l’université. & elle soupira longuement. Le bilan de sa matinée ? Moyen. Elle ne supportait pas les reproches bruyants de ces nanas pour la simple & bonne raison que son ex avait déjà prononcé ces mots. Dans ses moments d’énervement, il avait souvent qualifié sa petite-amie d’allumeuse. C’était tellement faux. Alice se foutait des garçons. Elle n’avait pas envie d’être la plus belle, la plus désirable, la plus enviée. Non, ça ne l’intéressait pas. Elle était juste elle. Avec ses qualités & ses défauts. & elle ne cesserait jamais d’être élégante pour satisfaire mesdames les capricieuses, jalouses & hautaines. « Putain… mes clés… » souffla-t-elle en fouillant dans son sac à mains. Il en manquerait plus que ça, qu’elle les ait oubliées dans la salle de cours. Ou pire, qu’elle les ait fait tomber dans le couloir.

A peine sorti de sa salle de cours, le professeur posa sa main sur sa tête. Dans les couloirs, les étudiants parlaient, hurlaient, courraient voire chantaient et cela avait pour don d'agacer Terrence. Il avait besoin de calme et visiblement personne n'était prêt à lui accorder cette faveur. Pourquoi est ce que tout le monde était si pressé dès que la sonnerie retentissait ? Ils avaient peur d'être en retard en cours ? Ils n'étaient plus au collège, quand vous êtes en retard à l'université, vous pouvez quand même intégrer les cours sans billet d'excuse. Soit. S'il y en avait un qui traînait le pas, c'était bien le professeur de français. Les doigts contre la tempe, il avançait en essayant de faire abstraction du bruit alors qu'il avait l'impression qu'on lui tapait sur le système à coups de marteau. La vodka, plus jamais.. Cette pensée le fit sourire... C'était toujours la même chose qu'il se répétait et comme vous l'aurez compris, il ne s'y était jamais tenu. Comme beaucoup d'autres choses. Il s'était par exemple toujours dit qu'un jour il irait manger chez ses parents adoptifs. Comme ça un dimanche histoire de montrer qu'il était encore vivant. Qu'il vivait bien mais non, il ne l'avait jamais fait. Il mettait ça sous l'excuse d'un manque de temps mais en réalité il n'avait jamais osé franchir ce pas trop difficile à son goût. Rentrer chez lui, c'était se confronter au fait que sa petite sœur ne l'attendait pas.. sagement.. vivante.

Bousculé, le professeur commença à lâcher des injures sans même s’apercevoir qui était le fautif de ces coups d'épaules. « Cette Alice ! Mais quelle dépravée ! » Sans les écouter vraiment, ces phrases arrivèrent à l'oreille de Shane sans qu'il n'y prête plus d'attention. Les filles sont vraiment des putes entre elles et mine de rien ça le fit sourire. Il continua de marcher dans le couloir jusqu'à ce qu'il bute dans quelque chose. Fronçant les sourcils, il abaissa son visage en direction de la chose en question pour y apercevoir des clés. Il se pencha pour les récupérer et glissa son index dans l'anneau pour les faire tourner. A qui pouvait bien appartenir ce trousseau ? A vrai dire ça aurait pu être à n'importe quel étudiant ou même employé qui se trouvait à arpenter les couloirs de l'université. Peut être que ces clés appartenaient à un étudiant qui rangeait ses affaires dans son sac et qui les avait accidentellement fait tomber. Ou bien, à l'un des professeurs qui les avait rangé trop près du bord de sa poche. Elles avaient glisser. Mais c'était peut être aussi une personne qui avait bousculer tout le monde. Qui se dépêchait. Qui était énervée et qui, désormais, grognait dans son coin de ne plus retrouver ses clés. Inspectant de plus près le trousseau, il repéra une clé plus grosse que les autres qui ne pouvait être qu'une clé de voiture. Pas de signe particulier, il ne pouvait même pas savoir si ça appartenait à une fille ou un garçon. Il n'y avait pas de froufrous roses qui l'auraient mis sur la piste, dommage. Se dirigeant vers le parking pour essayer de voir quelle voiture s'ouvrirait, Shane se fichait bien d'être en retard pour son prochain cours. Pour le moment, il avait trouvé quelque chose de plus intéressant et de plus intriguant à faire.

Une fois arrivé sur le grand parking, il tenta l'ouverture automatique sur plusieurs voitures mais sans succès. Il s'avança plus au fond avant d'y retrouver son élève. La voyant fouiller dans ses affaires, il se remémora les paroles des filles et la bousculade. Alors c'était à elle qu'appartenaient ces clés ? S'avançant doucement derrière elle, il actionna le petit bouton qui déverrouilla instantanément le véhicule. Approchant son index de son oreille, il fit secouer le trousseau qui émit un bruit assez strident. « C'est ça qu'tu cherches ? » Tu, vous... Terrence était visiblement fâché avec les formalités. Il se retrouva finalement face à elle et lui adressa un grand sourire en refermant sa main autour du trousseau. Quoi, elle ne pensait quand même pas qu'il lui rendrait aussi facilement ?! Se reculant un peu, il fit une petite moue alors qu'il réfléchissait à ce qu'il pourrait lui demander en échange. Rien est gratuit avec Shane. « Tu sais que tout à l'heure, tu m'as bousculé ? Qu'est ce qu'il s'est passé ? » Oui, il préférait visiblement lui faire la conversation plutôt que de se rendre en cours. Il n'aurait qu'à inventer une excuse bidon. Pour l'instant, il était là, sur ce parking avec sa nouvelle élève. S'approchant du capot de la voiture, il posa ses fesses dessus en croisant ses bras, attendant sagement une réponse à sa question.

Sur le parking, Alice ne pensait qu’à l’absence de ses clés. Elle aurait pu s’avancer & s’engouffrer une énième fois au sein de l’établissement. Mais l’envie lui manquait. Elle risquait sans doute se recroiser ces nanas superficielles & seulement avides du corps de leur professeur : chose qui lui faisait honnêtement pitié. Un long soupire franchit sa gorge & s’étouffa dans l’air qui commençait d’ailleurs à se rafraichir. Puis finalement, l’ouverture automatique de sa voiture se fit entendre. De même que ce désagréable bruit de métaux entrechoqués près de son tympan. Sursautant, la brune se retourna & fixa Terrence. Décidément ! « C'est ça qu'tu cherches ? » Belle analyse. Tout sourire, Alice tendit sa main pour récupérer son trousseau mais malheureusement pour elle, l’adulte referma ses doigts dessus & - par conséquent - l’en empêcha. À quoi jouait-il cette fois ? Dans l’incompréhension la plus totale, elle fronça ses sourcils & l’interrogea sur regard. Il n’allait tout de même pas la faire attendre ? Ou la provoquer comme précédemment dans cette foutue salle de classe ? « C’est ça qu’je cherche… donnez-les moi s’il vous plait… » demanda-t-elle en tendant sa paume dans sa direction. Si elle s’attendait à une acceptation ? Absolument pas. Son professeur ne semblait pas être de ceux que l’on pouvait avoir comme ça, en un battement de cils.

« Tu sais que tout à l'heure, tu m'as bousculé ? Qu'est ce qu'il s'est passé ? » Alors que Terrence posait ses fesses sur le capot de sa voiture, Alice, elle, se redressa & se dirigea vers la portière. Après l’avoir ouverte, elle attrapa son gilet & le passa sur ses fines épaules. Que voulait-il savoir ? Qu’elle avait été victime d’insultes gratuites ? Que ses superbes camarades la qualifiaient d’allumeuse sans même la connaitre ? Répondre à cette question ne lui disait rien. & par chance, en dehors de son cours, elle n’avait assurément aucune obligation ! « Demandez à faire agrandir les couloirs si l’espace restreint vous dérange… » Sa voix restait douce & posée. Croisant ses bras sous sa poitrine, Alice posa de nouveau ses fesses sur le capot & maltraita un caillou avec le bout de sa chaussure à talon haut. L’air frais s’abattait sur son corps presque dénudé & elle crevait juste d’envie de se mettre dans sa voiture, moteur activé au même titre que le chauffage. Un bref regard & elle constata que son trousseau était toujours détenu prisonnier de sa poigne ferme. Merde. Elle ne pouvait même pas espérer avoir l’occasion de tirer un peu sur une clé pour récupérer le tout.

« Il ne s’est rien passé. Pourquoi cette question ? » Peu habituée à mentir, elle doutait sur sa capacité à lui faire croire tout & n’importe quoi. Cependant, elle n’en avait que faire. Le professeur serait d’ailleurs sans doute incapable de la faire parler puisqu’elle n’était absolument pas du genre à se plaindre, ou à pleurnicher dès que quelqu’un se montrait désagréable vis-à-vis d’elle. Mordillant sa lèvre inférieure, Blueberry plongea son regard dans celui de son interlocuteur & haussa ses épaules. Que dire de plus ? « Merci au fait, pour mes notes. & très sympa le petit lapin… j’fais pas mieux ! » Détourner la conversation. Le distraire. Le faire sourire peut-être. Alice détendait l’atmosphère & tentait également de trouver un moyen de lui faire relâcher la pression qu’il exerçait sur ses clés. Restait à savoir si elle aurait l’audace de se jeter dessus pour les lui prendre. Rien n’était moins sûr. Elle était plutôt du genre à attendre sagement. Terrence, homme imprévisible, ne lui facilitait pas la tâche. « & mes clés… je suis supposée les obtenir de force ? » Un sourire étira ses lèvres tandis qu’elle imaginait la scène : Elle en train de se jeter sur son professeur pour récupérer son malheureux trousseau. Définitivement, non. Hors de question que Terrence ait une nouvelle opportunité de l’humilier, ou juste montrer qu’il serait toujours plus fort qu’elle.

Le parking – comme certainement les couloirs de l'université – était rapidement devenu désert. La sonnerie avait retenti et cela signifiait que les étudiants devaient être dans les différentes salles ou amphithéâtres. Terrence aurait du aussi être affalé sur sa chaise de bureau à l'heure qu'il est sauf que non, monsieur préférait le confort de cette voiture dont il était le possesseur. Ben oui, après tout c'était lui qui avait les clés ? Il ne les avait même pas volé. Objet trouvé, objet gardé ? Comme un vrai gamin, il avait montré sa trouvaille avant de la garder bien enfermée entre ses doigts. « C’est ça qu’je cherche… donnez-les moi s’il vous plait… » Et pourquoi devrait-il lui rendre ? Parce que c'était les siennes ? Et bien ça ne lui suffisait pas. Il ne savait pas vraiment ce qu'il allait tirer d'elle en échange du trousseau mais pour l'instant, il profitait de la position qu'il avait. Jusqu'où irait-il pour ses clés ? Oui, encore une fois, Shane la mettait à l'épreuve. Il adorait ça, les défis, s'amuser, pousser les gens à bout. Quitte à ce qu'on le haïsse ou qu'on en soit fasciné. La plupart du temps, on le détestait pour ses méthodes mais il le vivait très bien. Ignorant donc sa demande, il commença à la questionner pour savoir ce qu'il s'était passé dans le couloir. Pourquoi elle avait bousculé toutes les personnes qui se trouvaient là ? D'ailleurs, sur le moment il avait cru se retrouver dans un match de rugby. Non il ne fallait pas abuser. « Demandez à faire agrandir les couloirs si l’espace restreint vous dérange… » Haussant simplement les épaules, Terrence resserra ses doigts autour des clés comme s'il voulait lui faire comprendre qu'elle avait plutôt intérêt de lui répondre si elle voulait rentrer chez elle. Le professeur ne songeait absolument plus aux cours qu'il devrait être entrain de donner. Une heure lui avait visiblement suffit et maintenant il voulait faire autre chose. Sauf que bien sur, ce jeu ne pourrait pas durer toute la journée alors soit, elle se dépêchait un peu.. soit, elle resterait plantée comme une crétine sur le parking avec sa voiture qu'elle ne pourrait démarrer. Du chantage ? Et encore, c'était lorsqu'il était de bonne humeur.. Elle en avait de la chance.

« Il ne s’est rien passé. Pourquoi cette question ? » Le prenait-elle pour un débile ? Shane en fut presque vexé, il baissa ses épaules la mine déçue avant de sourire légèrement face à son propre comportement. Il ne fallait pas grand chose pour l'amuser. Penchant son visage sur le côté en direction de la demoiselle assise à côté de lui, il ne pu s'empêcher de ramener un peu sa fraise. « Rien passé ? C'est pas toi la furie qu'est passée dans le couloir y'a genre dix minutes ? Ça puait la colère.. l'agacement. Tu vois t'en as même perdu tes clés. » Et à nouveau, il lui agita le trousseau sous le nez sans bien sur lui laisser la possibilité de les récupérer. Il n'en avait pas encore fini avec elle et il commençait à adorer ce jeu. On pouvait d'ailleurs le lire sur son visage, son regard et son sourire pétillait de mille feu. Un gosse. Replaçant les clés sous son bras, il attendait qu'elle se décide à lui raconter le pourquoi de cette colère mais elle n'y mettait définitivement pas du sien. « Merci au fait, pour mes notes. & très sympa le petit lapin… j’fais pas mieux ! » Baissant ses yeux avec un petit sourire, il repensa à ce qu'il avait dessiné. En réalité c'était sa mère qui s'amusait à dessiner les bugs.. Il tenait ça d'elle et il n'avait aucun autre talent pour le dessin. L'air un peu plus sérieux, cette fois c'était le professeur qui se mit à parler. « Tes dessins sont pas mal non plus, mais c'est pas avec tes petits bonhommes à trois têtes que tu t'amélioreras en français. » Il se releva du capot, à croire qu'il avait des vers au cul tellement il ne parvenait à tenir en place. Shane avait toujours été une pile.. Petit il était hyperactif et ça ne lui avait jamais passé. « & mes clés… je suis supposée les obtenir de force ? » Haussant un sourcil de surprise, il passa rapidement sa langue sur ses lèvres comme un simple tic qu'il avait. De force ? Qu'entendait-elle par là ? Se reculant légèrement encore, il haussa les épaules « Franchement j'adorerai un rapport de force avec toi mais.. j'ai un cours qui m'attends. On reprend ça plus tard, d'accord ? » Mais à quoi jouait-il ? Se souvenait-il qu'il parlait avec l'une de ses étudiantes ? Il ne se rendait pas toujours compte que parfois ses paroles pouvaient être déplacées. Riant franchement, il se mit à courir légèrement pour prendre la fuite dans le bâtiment en direction de sa salle de cours. Bien sur, il avait gardé les clés de la voiture avec lui.. Cela va de soi. Elle n'aurait qu'à aller un peu à la bibliothèque pour étudier. Ou a la cafétéria pour se nourrir. Attendre dans le couloir. Ou alors débarquer en plein dans sa classe si elle en avait le cran ?

Plusieurs questions traversaient son esprit à l’heure actuelle. Est-ce que Terrence agissait ainsi avec tous ses élèves ? Pourquoi se comportait-il de manière aussi puérile ? Alice désirait plus que tout rentrer chez elle, manger un peu pour ensuite rejoindre le cours de l’après-midi. Au lieu de ça ? Elle patientait sur le capot de sa voiture. Son professeur la faisait marcher, osait même lui faire un semblant de chantage & bordel ce que ça pouvait être déstabilisant. « Rien passé ? C'est pas toi la furie qu'est passée dans le couloir y'a genre dix minutes ? Ça puait la colère.. l'agacement. Tu vois t'en as même perdu tes clés. » Depuis quand est-ce qu’il s’intéressait à ses élèves ? Levant simplement ses yeux, la jeune femme croisa ses bras sous sa poitrine. Elle ne satisferait pas sa curiosité. & puis d’ailleurs, que dirait-elle ? Comment justifierait-elle son empressement ? « Deux élèves sont sous votre charme & pensent que je vous allume ? » Ridicule. Alice réglerait ses problèmes elle-même & personne n’en saurait rien. Après tout, ces mistinguettes finiraient bien par se calmer à un moment ou à un autre en constatant que la bourgeoise ne draguait véritablement pas leur professeur. « Vous avez vu de la colère ? Vous vous êtes trompé c’est tout. J’ai l’air en colère ? » Souriant de toutes ses dents, Alice tentait de se montrer convaincante. & le résultait ne devait pas être si mauvais étant donné que son énervement s’était envolé, très vite. Elle ne mentait pas. Ou plus. Malheureusement, Terrence ne daignait lui rendre ses clés. Combien de temps encore comptait-il les garder ? Prenait-il du plaisir à l’embêter ? « Tes dessins sont pas mal non plus, mais c'est pas avec tes petits bonhommes à trois têtes que tu t'amélioreras en français. » Au diable ses petits dessins laids au possible. Ce n’était que le fruit d’un ennui profond. Ou d’une incompréhension telle que sa créativité légendaire avait pris le dessus. Ce n’était pas important. « J’trouve que j’m’en suis pas mal tirée pour un premier cours ! » scanda-t-elle en lui lançant un regard sûre d’elle.

Étendant ses jambes nues devant elle, Alice posa ses prunelles sur Terrence qui ne tenait pas en place. Encore une fois, elle espérait un revirement de situation. & plus particulièrement la défaite de son professeur acceptant donc de lui rendre son trousseau. « Franchement j'adorerai un rapport de force avec toi mais.. j'ai un cours qui m'attends. On reprend ça plus tard, d'accord ? » Avait-elle bien entendu ? Plus tard ? Ce crétin commençait d’ores & déjà à courir, laissant la jeune étudiante plantée contre sa voiture. Celle-ci grogna silencieusement & se redressa. Que pouvait-elle faire d’autre sinon le rattraper ? Elle refusait d’attendre que Monsieur daigne la rejoindre. Tout comme elle refusait de se perdre parmi les étudiants coincés en salle de permanence. Alors après avoir saisi son sac à main, Alice le suivit plus ou moins rapidement. Ses talons claquaient en rythme sur le sol, changeant d’intonation lorsqu’ils rencontrèrent le carrelage froid posé au sein du bâtiment. « Quoi, vous fuyez devant moi ? » Elle tentait la provocation. & trottinant à son tour, elle ne s’arrêta qu’après s’être retrouvé devant Terrence afin de lui barrer la route. Le bout de ses doigts s’appuyaient fermement contre son torse puissant & elle fronça ses sourcils. « Acharnez-vous sur quelqu’un d’autre… » Lentement, Alice se retourna & souffla de soulagement en remarquant que le couloir était vide. Les étudiants patientaient sûrement dans la salle, stylo à la main & prêts à prendre des notes. « … y’en a deux que ça exciterait beaucoup j’en suis certaine. Alors… rendez-moi mes clés » D’un geste vif, Blueberry attrapa le poignet de son professeur & tenta de lui faire lâcher son bien. Elle avait conscience que ce n’était pas une attitude à adopter face à cet homme dont le « statut professionnel » dépassait le sien. Cependant, elle ne savait plus comment s’y prendre pour garder le contrôle sur leur légère altercation.

« Vous avez vu de la colère ? Vous vous êtes trompé c’est tout. J’ai l’air en colère ? »  Pensait-elle réellement qu'il la croyait ? Parce qu'il faudrait bien plus qu'un beau sourire pour le convaincre de ses mots. Terrence était sur de ce qu'il avait senti, cette bousculade n'était pas qu'un empressement. D'ailleurs, elle n'avait plus cours visiblement alors pourquoi se serait-elle dépêchée ? Elle n'avait aucune envie de lui parler de son énervement ? Soit. Il ne poserait pas d'avantage de questions mais en revanche, il ne lui rendrait pas ses clés. Pas tout de suite. Comme si elle pensait que le fait de changer de sujet l'aiderait à récupérer son trousseau, elle le remercia pour ses notes et son dessin. Tentait-elle de l'amadouer ? « J’trouve que j’m’en suis pas mal tirée pour un premier cours ! » Ça aurait été étonnant qu'elle se rabaisse en parlant d'elle. Alice ne semblait pas être une de ces filles que l'on peut déstabiliser si facilement. Uniquement pour l'agacer un peu plus, il grimaça légèrement comme si il n'était pas tout à fait d'accord avec ce qu'elle racontait. Pourtant, oui, au fond de lui, il trouvait qu'elle avait déjà quelques bases. Il y avait encore beaucoup de travail à fournir mais tout n'était pas perdu.

Ça n'était pas le tout, mais Terrence avait quand même un cours à donner et puisqu'il n'avait pas obtenu ce qu'il voulait, il commençait à s'enfuir avec ses clés. Non, il ne fuyait pas d'une manière lâche. Ça l'amusait juste de la laisser là, sans ses clés, sans moyen de rentrer chez elle. Ne dit-on pas, qui aime bien châtie bien ? Ça n'était pas méchant. Ne courant pas vraiment, Shane trottinait en direction de l'université jusqu'à ce qu'il ait atteint les couloirs. Il se demandait si ses étudiants ne seraient pas déjà tous parti. Quelque part, ça l'arrangerait, comme ça, il n'aurait pas besoin de faire cours. « Quoi, vous fuyez devant moi ? » Riant d'amusement, il continua sa course tel un adolescent. Le bruit des talons dans le couloirs le fit sourire, était-elle entrain de lui courir après ? Il ralentit pour lui donner l'occasion de le rattraper. Chose qui arriva quelques secondes après. Ses doigts venaient de se poser sur son torse et il s'arrêta en fixant toujours ses prunelles dans les siennes. Il avait cette façon de fixer les gens au plus profond de leurs yeux. Ça pouvait être déstabilisant pour la plupart des étudiants mais bizarrement il était persuadé que ce ne serait pas le cas pour elle. « Ce ne sont pas des manières mademoiselle, je suis votre professeur » Lança t'il en grossissant ses yeux pour se donner un air sévère. Bien sur au fond de lui, il n'y avait aucun agacement. Il s'amusait toujours de la situation, la faire tourner en bourrique.. il aimait ça. Finalement être professeur dans une université, ça n'était pas si dramatique et ennuyant que ça. [color=#64b5e6]« Acharnez-vous sur quelqu’un d’autre… » Un froncement de sourcils, serait-elle entrain de s'énerver ? « … y’en a deux que ça exciterait beaucoup j’en suis certaine. Alors… rendez-moi mes clés » Pourquoi une telle réaction ? Plissant les yeux avec un sourire victorieux, il tendit son bras au dessus d'elle, balançant les clés au dessus de sa tête. Mais même avec ses talons, elle ne pouvait les atteindre. « Ah ! Nous y voilà, c'est quoi cette histoire ? » Pourquoi parlait t'elle de deux certainement – filles – que ce jeu exciterait ? Et puis quel jeu d'ailleurs ? Se retrouver à sa place ? Ou les voir entrain de se chamailler ?

Refermant ses doigts sur la clé, il ramena son bras au niveau de son corps jusqu'à ce qu'elle tente de lui faire lâcher le trousseau. Tout cela l'amusa bien plus, son bras secoué comme un prunier. Alors qu'elle s'acharnait dessus, lui regardait à droite et à gauche comme s'il s'ennuyait de la situation. « Si tu voulais bien te dépêcher.. j'ai un cours qui m'attend » Fronçant un peu son nez en faisant une moue, il savait bien que son comportement était énervant, irritant et ça lui plaisait. Soupirant pour montrer un peu plus sa fausse impatience, il reporta son attention sur son visage et se surprit quelques secondes à le détailler. Ses yeux, la forme de ses sourcils, l'arête de son nez, ses lèvres. Reprenant ses esprits, il finit par détendre ses doigts en lui laissant la possibilité de récupérer ses clés. « C'était ça pour vous les « obtenir de force » ? » Souriant sournoisement, il lui jeta un dernier regard avant de se rendre vers sa salle de cours où on l'attendait depuis bientôt une dizaine de minutes. Arrivé au niveau de la porte, il tourna son visage vers elle « N'oubliez pas de faire vos devoirs » Un dernier sourire avant qu'il ne pénètre la pièce pour une nouvelle heure d'ennui.

« Ce ne sont pas des manières mademoiselle, je suis votre professeur » Fixant ses doigts posés sur son torse, Alice sentit la gêne lui monter aux joues. Effectivement, ce n’était pas des manières. Mais qu’en était-il de son comportement à lui ? Croisant ses bras sous sa poitrine, la brune tentait d’oublier son mal-être & haussa ses épaules. Hors de questions qu’elle lui permette de remarquer quoi que ce soit capable de l’humilier un peu plus. Le connaissant – à peu près – elle se doutait qu’il ne perdrait pas l’occasion de la taquiner. Mais pourquoi continuait-il ce jeu ? Attendait-il une réaction particulière ? Était-ce simplement sa façon bien à lui d’occuper ses journées ? Ou Alice récoltait-elle ce qu’elle avait semé ? « Ah ! Nous y voilà, c'est quoi cette histoire ? » Alors Terrence n’avait pas remarqué l’attitude de deux de ses élèves ? Celles qui ne parlaient que de lui, qui ne juraient que par son physique & qui, en plus, avaient osé lui demander des cours particuliers ? Levant ses yeux, Blueberry s’empêcha de répondre, préférant largement s’attarder sur son trousseau prisonnier.

Elle n’osait pas toucher sa peau, glisser ses doigts entre les siens pour ainsi récupérer ses clés. Le résultat était donc à la hauteur de son effort : nul. « Si tu voulais bien te dépêcher.. j'ai un cours qui m'attend » & en plus il osait se moquer d’elle ? Agacée, Alice tira sur le morceau de métal & ramena le tout contre sa poitrine. Ok, il l’avait fortement aidé. Mais tout de même ! Un sourire satisfait s’afficha sur ses lèvres & elle se surprenait même à lever le menton de façon presque hautaine. Faussement hautaine – bien évidemment. « Merci ! » souffla-t-elle en baissant son regard vers son trousseau – qu’elle ne lâcherait sans doute plus de sitôt. « C'était ça pour vous les « obtenir de force » ? » Alors que Terrence s’éclipsait, Alice se tourna dans sa direction & l’observa quelques petites secondes. Son air sournois. Son air satisfait. Tout cela l’agaçait au plus haut point. « J’n’ai jamais parlé d’une force physique. & dans tous les cas, j’ai réussi » Ses talons claquaient dans la direction inverse.

Alice allait enfin pouvoir rentrer chez elle & se prélasser sur sa terrasse en mangeant un morceau. « N'oubliez pas de faire vos devoirs » Tournant son visage vers son enseignant, la belle hocha sa tête positivement. Peut-être passerait-elle des heures à travailler son français mais peu importe. Elle tenait réellement à progresser & à s’en sortir. « Bien sûr, professeur » & cette fois, ce fut à son tour de lui adresser un sourire fier & presque sournois. & lorsque le professeur entra dans sa salle de cours, Blueberry quitta l’établissement pour rejoindre une deuxième fois le parking. Sa voiture d’ores & déjà ouverte, elle s’installa à l’intérieur & démarra enfin son moteur. Chauffage enclenché, elle n’avait plus qu’à rouler sereinement jusqu’à son immense domicile. Ses parents absents lui avaient laissé un mot, l’invitant à une soirée le soir-même. Bordel. Ne se souvenaient-ils pas que leur fille n’était qu’une étudiante encore conviée à ses cours obligatoires ? Un long soupire s’échappa de ses lèvres & elle monta dans sa chambre. Prête à travailler ses devoirs, comme Terrence semblait l’exiger.