Je devais avoir sept ans quand j'ai compris que ma famille était aussi factice que les seins de Pamela Anderson et aussi minable que Paris Hilton en boîte de nuit.
« LA FEEEEEEEERME EMMETT ! » J'avais sept ans et je croyais encore au Père Noël, je me prenais pour Robin parce que je le trouvais beaucoup mieux que Batman, je laissais traîner mes petites voitures partout dans la maison, je rêvais d'être un super-héros, je venais de demander à Granny de nouveaux ninjas pour ma collection, ma tante Margaret m'avait appris à faire du vélo et mon rêve suprême était de sauver le monde et si je ne le pouvais pas, de marcher sur la lune. Melissa avait quatre ans et Joseph ... Joseph en avait dix. Déjà très intelligent à l'époque, il avait comme qui dirait oublier de me prévenir pour certaines choses. D'aussi loin que je me souvienne ma mère toujours eu quelques problèmes ... mentaux. Non ce n'est pas une métaphore ou exagéré. Ma mère est tarée, folle, timbrée et tout ce que vous voulez qui a la même signification que ces deux mots. Une vraie, et pas dans le sens folle de la vie et un peu excentrique. Une folle digne d'un asile. La preuve en vient notamment du cri tonitruant qu'elle vient de pousser en parlant de mon père. J'ignore si on peut appeler cela un cri, je me souviens encore aujourd'hui à quel point sa voix était méconnaissable. Et puis faut dire que mon père n'a jamais été le meilleur des maris. C'est juste un fils de bourge dont la famille a réussi dans l'immobilier. Une famille qui se permet de péter plus haut que son cul. Ce jour là est resté dans ma mémoire comment étant celui où j'ai découvert que ma famille n'était qu'une façade. Et tout de suite après les objets ont commencé à voler dans le salon et les cris ont continué. Melissa joue chez les voisins et Joseph au foot dans un club. Moi comme d'hab, je suis le seul à être ici, le petit con à qui ont dit :
« Tu vois à quel point tes parents t'ont eu dans l'amour et dans l’harmonie ! Vois tu comme ils t'aiment ? » La bonne blague. C'est là aussi que j'ai compris à quel point les adultes se fouent de la gueule du monde et à quel point ça craint d'en être un.
« T'es complètement folle ma pauvre femme ! » Je vous épargnerai la suite car ça devient carrément grotesque et répétitif. Ma mère est entrée en hôpital psychiatrique deux jours plus tard. Autant dire que mon père sur ce coup là a fait jouer ses relations pour que ça se passe rapidement. Bah oui, la famille de ma ère est aussi friquée que la sienne, alors pas question de divorcer. Ouais la seule chose que j'aime chez mon père c'est son blé et je déteste ma mère de s'être rendue folle à cause de lui.
13 juillet 2007. 13 juillet 2007. Le pire jour de ma vie. Douze ans ont passé et vous dire que les choses ont changé seraient mensonge. Ma mère était restée cinq ans dans son asile mais n'a plus jamais été la même qu'avant. De toute façon elle n'était pas super avant donc bon ... Ma famille n'en est plus une depuis longtemps. Mon père a continué à sauter toutes celles qui en avaient une grosse paire à commencer par ses secrétaires et celles des autres à son boulot. Ouais ma mère va mieux comme je l'ai dit mais, elle n'est plus que l'ombre d'elle même. Sans compter qu'entre les médocs et l'alcool ... Bref, mon père est toujours le plus parfait des cons dans le royaume des mondanités. Si j'essaie encore de faire bonne figure auprès de lui, c'est pour continuer à avoir de l'argent pour me tirer de la maison familiale et faire ce que je veux, sinon ... Heureusement, Melissa est toujours avec moi à ce moment. Joseph s'est tiré dès qu'il a pu. Le fossé entre lui et mon père est devenu énorme au fil des années. Alors mon père a menacé de le déshérité et mon frère s'est tiré pour vivre en colocation avec des potes à lui à Soho. Tout ce que mon frère veut c'est pouvoir faire de la musique, c'est tout ce dont il a besoin pour vivre. Ça et sa moto. Veinard. Je me rappelle encore qu'à ce moment, je me disais que c'était lui qui avait choisi la bonne solution. Moi j'étais coincé dans ma première année de droit à l'Université car dans la tête de tout le monde j'allais reprendre les affaires de mon père. Je ne détestais pas le droit, la preuve j'en fais toujours mais je ne peux pas m'empêcher de penser que ... j'aurai pu faire tellement plus.
Je vous ai planté le décor. Mardi treize juillet, quatorze heures dix-sept. Il fait chaud. Le père à son bureau, la mère qui est chez son médecin comme tous les mardi après-midi pour contrôler et Melissa qui est avec ses copines en ville. Moi je suis dans ma chambre et la vieille chaîne hifi que j'ai récupéré hurle une chanson de Queen quand mon portable a sonné. J'ai la tête ailleurs. Joseph et moi on doit se voir ce soir. Malgré qu'on n'habite plus dans la même maison, on essaie toujours de se voir aussi souvent. C'est mon grand-frère. Oui comme si on s'était foutu de moi à l'époque, je pensais à mon frère quand mon putain de téléphone s'est mis à sonner cet après-midi là. Je me revois en train de baisser la musique et attraper mon portable.
« Allô ? » Vous connaissez ce moment de suspense ? Où vous ignorez que encore que dans une seconde, votre vie va basculer, que dans une seconde, vous ne serez plus jamais le même et qu'en entendant la personne au bout du fil, vous comprendrez rien qu'en entendant sa voix, qu'il y a quelque chose de grave. Enfin tout ça vous vous en rendrez compte plus tard car pour le moment vous ne savez rien. Vous ne pensez qu'à trouver le jean pour sortir avec votre frère dans la soirée.
« Liam Goldsmith ? » Un numéro inconnu donc une voix inconnue, logique. Le genre de voix administrative avec une pointe de gêne. Qu'est ce qu'il me veut ?
« Oui, qui est à l'appareil ? » Le dernier moment avant que tout bascule car soudain, j'ai réalisé que c'était de cette façon qu'on apprend les mauvaises nouvelles.
« Je suis Larry Artman, je suis de la police. Joseph Goldsmith est bien votre frère ? » « Crachez le morceau monsieur le policier. » Silence et j'ai arrêté de respirer parce que c'est trop douloureux tout d'un coup.
« Vous étiez la première personne à prévenir ... votre frère a eu un grave accident de moto ... il est décédé sur le coup je suis navré. » Bam. Prends toi ça dans la gueule Liam. Y a pas de mots pour décrire les choses quand on perd quelqu'un. Enfin je sais que sur le moment, je me suis senti brisé, cassé, déchiré, troué, enculé, laminé, ratatiné, massacré, détruit, écartelé, écorché, mort, démoli, perdu, défoncé, rongé, rongé, miné, mortifié, mutilé et tous les autres mots qui veulent dire la même chose. J'ai raccroché sans m'en rendre compte. J'ai pas réalisé tout de suite tout ce que ça voulait dire. J'ai pas chialé parce que j'en suis pas capable. Je suis resté planté devant mon lit comme le dernier des crétins. En mode bloqué, statufié ... En mode pause. C'est ça, tout s'est arrêté, le vide. Vide. Je suis resté la bouche ouverte parce qu'on vient de m'annoncer que mon frère vient de s'éclater la gueule en mot. Il n'est plus là. C'est ça. Après plusieurs secondes, j'ai réussi à me dire que Joseph. Mon frère était mon pilier, la seule personne en qui j'avais vraiment confiance dans mes proches. Tout mon monde s'est écroulé. Mais j'ai pas chialé parce que je ne ne suis pas triste. Enfin à ce moment précis j'étais en colère. En colère parce que ... ce connard ... mon ... enfoiré de frère que j'ai toujours considéré comme mon modèle m'a abandonné. Je n'étais pas triste, j'étais en colère. Alors j'ai eu un coup de sang et j'ai dévasté ma chambre. J'ai tout cassé, j'ai tout viré et tout saccagé dans la pièce parce que ... parce que c'est la seule chose qui pouvait m’apaiser sur le moment. C'est ce que j'ai pensé sur le coup. Je ne me rappelle plus exactement ce qui me passait par la tête. Juste que j'ai tout détruit cet après-midi là parce que ça faisait tellement mal ... Et que ça fait toujours mal aujourd'hui.
« Tu fais quoi ? » « Rien du tout. » « T'étais en train de l'appeler ! » « Mais nan ! » « Si, si, si ! Hahaha ! Le grand Liam Goldsmith qui fait une fixette sur son ex ! Je vais prévenir toutes tes petites copines tiens ! » Et elle s'est levée d'un bon du canapé, faisant voler ces cheveux blonds paille en même temps. Ne lui dites pas mais je la trouve belle, ma sœur, mais qu'est ce qu'elle peut me faire chier quand elle s'y met. C'est bien la seule fille qui peut se permettre de me parler comme ça, enfin de choses personnelles. Melissa va fouiller dans le frigo comme si elle était chez elle et en prime, avec le sourire de quelqu'un qui sait qu'il a raison. Elle a un radar pour ce genre de sujet et elle sait donc que j'ai encore une fois essayé d'appeler Skyler. Voilà, j'ai l'air d'un crétin maintenant. Je voulais l'appeler mais pour lui dire quoi ? Quoi de différent de toutes les autres voix où j'ai essayé de lui parler ... Quelle situation merdique quand même.
« T'as des mousses au chocolat dans ton frigo ?» J'ai froncé les sourcils tout en restant sur le canapé.
« Il est quatorze trente et on vient de manger ! » Melissa habite toujours chez les parents mais elle passe les trois quarts de son temps ici. Ouais j'ai un appart maintenant, ça fait un an et il était temps. Croyez le ou non je m'en vente pas, même s'il est à Notting Hill ... bon là je me vante. Juste que sans les sous des parents ... enfin vous voyez le truc. Oui je n'ai pas eu l'intelligence de mon frère de me barrer et d'être indépendant. Naaah, j'ai même continué les études de droit tiens ! Et bizarrement ça me plaît. Melissa me tire la langue et se saisit d'un pot de mousse au chocolat.
« Oh ... c'est le dernier ... » Elle se tourne vers moi avec ses petits yeux de cocker. J'ai ouvert la bouche et ai levé les yeux au ciel, incapable de dire quoi que ce soit. Elle sait que j'adore ça merde !
« Merci, merci, merci ! Je t'adore, je t'adore ! » [color=indianred« Change de disque, tu te répètes. »[/color] J'ai dû faire un air renfrogné car son sourire s'est encore agrandit en courant vers moi.
« Ne fronce pas Liam, quelqu'un pourrait tomber amoureux de ton sourire. » Haha. Elle s'est laissée choir sur moi comme elle le faisait quand elle était petite. On avait arrêté de faire ça pendant des années parce qu'après tout on était trop grand. C'est depuis la mort de Joseph qu'elle a recommencé à le faire et j'ai jamais rien dit mais j'adore. Elle est tout ce qu'il me reste. Mes parents peuvent à peine me regarder dans les yeux parce que je suis le sosie de mon frère. Il me manque tellement mais je n'en parle jamais à personne. Elle est la seule à qui je peux le dire. Dire que j'ai mal à en crever.