« Are you fucking kidding me ? » Il avait hurlé. Très fort. Effrayée, la jeune femme recula, et tomba sur le lit. « Tu te fous de ma gueule ? », dit-il d'un accent anglais très prononcé. La femme repoussa les quelques mèches brunes sur son visage, commençant à sangloter. « Non, je me fous pas de toi... Non... Je suis vraiment enceinte... De quatre mois... Ne... Ne pars... » C'était trop tard. Toute couleur avait quitté le visage de l'homme. Pour la quarantaine, il était très bel homme. Des cheveux poivres et sels, une barbe de trois jours, un smoking noir très classe... Personne n'aurait deviné qu'il était violent, et lâche. Il envoya une claque sur la joue de la jeune femme, qui continuait à sangloter. Comme si c'était sa faute, comme si c'était sa faute si il n'avait pas mis de capote, si il ne s'était pas protège. « N'essaye pas de me retrouver », grinça-t-il entre ses dents blanches. Puis il claqua la porte du petit appartement parisien. Il ne revint plus. Jamais.



« Chérie, mon Amour, fais attention en allant à l'école. Les voitures passent très vite... » Elle tenta de caresser les cheveux bruns de sa fille, mais elle recula, et poussa un soupir exaspéré. « C'est bon maman ! Je sais me débrouiller, je suis grande ! Arrête de me considérer comme un bébé.» Elle boutonna son grand manteau, ajusta son bonnet, ferma ses bottes, mit ses gants, enroula sa grande écharpe, prit ses clefs, et claqua la porte de l'appartement où elle avait été crée huit ans. Elle n'avait pas de chambre, avait juste un rideau qui séparait la petite pièce qui servait également de salon. Elle était un peu triste, elle qui rêvait de luxe, de paillettes, de beaux vêtements, de beaux bijoux, de maquillages... Bien qu'elle soit trop jeune pour ce genre de chose.


« Regardez là. Elle se la pète parce qu'elle a un sac Prada et une robe Chanel, mais c'est parce qu'elle a fait la pute qu'elle a pu se les payer. » Le groupe de fille éclatèrent d'un rire de pimbêches. Zoë avait tout entendu. Elle ne portait pas sa robe Chanel, et son sac Prada était bien caché sous son matelas. Elle n'avait pas fait la « pute » pour les avoir. Elle avait juste fait des charmes au patron de sa mère. Qui avait trente ans de plus qu'elle. Il ne s'était rien passé, mais en attendant, elle avait gagné un sac et une robe. Puis, grâce à elle, sa mère avait eu une promotion immense. Voulant faire bouffer la poussière à ces gamines, Zoë s'approcha. Elles se turent automatiquement. Son plus beau sourire aux lèvres, elle envoya un coup de pied à celle qui l'avait traité indirectement. Elle poussa un cri de surprise et de douleur, voulu répliquer. Mais elle ne put pas, pliée par la souffrance d'un talon dans l'estomac. Les cinq filles s'affairaient autour d'elle. Règle numéro un, ne pas insulter Zoë Dupont.



« Maman. Je veux aller vivre à Londres. J'en ai marre de vivre ici, dans cet appartement pourri où j'ai même pas de chambre depuis dix huit ans. » Elle avait dit ça d'un ton haché, pour qu'elle avale bien tout ce qu'elle venait de dire. « Je veux aller dans une école de mode. Je veux devenir styliste. Je veux devenir célèbre.  Et je réussirais. » Sa mère voulut la prendre dans ses bras, sentant les larmes monter. « Mais laisse moi ! Je suis grande maintenant ! » Elle se radoucit. « Désolée maman. » Elle l'embrassa sur la joue. « Je veux y aller. J'ai mon billet pour l'Eurostar, et puis, j'ai assez d'argent, j'ai bossé pendant trois étés. T'auras qu'à venir me voir de temps en temps ! Et puis là-bas t'as Joshua, t'as qu'à lui demander de venir vivre avec toi, lance toi pour une fois! . » Elle prit sa valise, son sac. Et claqua la porte sans se retourner.


Il l'avait planté là. Dans le lit. Ils avaient passé une nuit au paradis, et son départ l'avait fait revenir soudainement sur terre. Il avait oublié une chaussette, un paquet de cigarette. Elle humait le coussin, recueillait son odeur. Repartait sous la couette, versait quelques larmes. « Zoë. Qui aurait cru que toi, Zoë, pleurerait comme une gamine pour un garçon. » Elle se retourna dans les couvertures. « Qui aurait cru que toi, tu tomberais amoureuse... » Elle soupira. Elle qui avait brisé le coeur de temps de garçons, elle qui avait brisé tant de rêves, elle qui avait brisé tant de sourires. C'était à son tour d'être brisée, cassée, en milles morceaux, puis piétinée. « Qui aurait cru... » Et elle éclata en sanglot, sachant parfaitement qu'il passerait la nuit prochaine avec une autre sans un aucun scrupule.