Le week-end était bien le moment le plus pourri de la semaine, et ce parce que Zadig-Upton était dans l’obligation de rentrer dans le foyer familial. C’était déjà un miracle que son père l’ait laissé s’installer seul dans un appartement, même si celui-ci n’était situé qu’à une centaine de mètres de leur villa. Installé sur un transat à proximité de Pleyade, lunettes de soleil sur le nez, il lisait l’actualité dans le Times, célèbre journal du Royaume-Unis. Que des nouvelles de merde, d’ailleurs. C’était bien dommage. Concentré sur sa lecture d’un article à propos du démantèlement d’un trafic de drogue à Brixton –auquel il était sûrement impliqué de loin-, Zadig ne remarqua pas le jardinier, qui répondait au nom de Gégé s’approcher de lui et de son frère. Il arqua un sourcil tout en le dévisageant par-dessus ses Ray-Ban. L’homme de soixante ans tenait dans ses bras un chat microscopique, que la race humaine aurait qualifié de « chaton », mais que Zadig n’utiliserait certainement jamais, le trouvant bien trop affectueux et magnoooooon à son goût. Le jardinier se planta devant eux. « J’ai trouvé ce chaton tout mignon dans un rosier et.. » Zadig lui coupa la parole, ne jugeant pas très utile l’intervention de cet employé dans sa lecture. « Ouais, et ta mère dans un rosier, sale nain. » Le londonien remit le nez dans son journal, qui se trouvait être bien plus passionnant que Gégé et son chaton.

Gégé écarquilla les yeux, blessé par la remarque du fils Lestwood. Il était au bord des larmes, au bord du gouffre. « Pourquoi tant de haine ? Mr Pleyade-Oz, puis-je aller soigner cette pauvre bête ? » Zadig, derrière son journal, leva les yeux au ciel. Il n’avait décidément rien compris à la vie, ce jardinier. Si ce chat avait décidé de foutre sa vie en l’air en allant se fourrer dans un nie d’épine, alors c’était sa destiné, point barre.

Pleyade-Oz était allongé devant leur piscine sur un bain de soleil tressé à la main, avec un matelas en soie brodée. Il avait sur le nez des lunettes qu'il avait commandé à un célèbre créateur dont on taira le nom et regardait d'un air dégoûté les ray-bans de Zadig. Il avait un peu avant appelé un serveur qui venait de lui apporter son mojito. On ne pouvait être actuellement plus posé qu'ils ne l'étaient. Dommage que son voisin soit ce mec qu'il détestait tant, ça gâchait plutôt le décors. Il essayait donc de ne pas y prêter attention, un peu comme un vase moche dans votre maison qu'on ne peut pas enlever, puisque c'est celui que tante Marge vous a offert. Actuellement en train de lire un ouvrage de Descartes en latin, il aurait voulu aller faire un plongeon mais cela lui demandait trop d'effort. Pleyade était totalement en mode grosse loque. S'il avait pu payer quelqu'un pour le porter jusqu'à la piscine et le faire tomber dedans, il l'aurait fait. Alors que l'éventualité de cette idée naissait dans son esprit, une chose vint le faire sortir de ses pensées...

Un petit homme aux airs de nain de jardin tenait un truc dans ses bras. Mais c'était qui, lui ? Il fouilla dans ses pensées, mais rien ne lui revenait. Il se rappela soudainement que c'était un jardinier... Non, en fait, c'était à la vue de sa tenue de travail qu'il l'avait remarqué, il ne se rappelait absolument pas de ce truc. Cet homme savait au moins qu'il n'avait pas le droit de venir leur parler ? Celui-là n'avait pas lu le règlement du bon employé des Lestwood, il se ferait sans doute virer dans la journée.

« J’ai trouvé ce chaton tout mignon dans un rosier et.. »
« Ouais, et ta mère dans un rosier, sale nain. »

Pleyade leva les yeux vers le seigneur tout puissant des riches, quelle répartie incroyable, vraiment, il aurait pu applaudir si cette idée ne lui avait pas donné envie de vomir. Il toisa l'homme. Pleyade avait toujours détesté les petits animaux. Les chatons, les chiots, les oisillons, il trouvait juste ça effrayant et n'osait jamais les toucher. Alors tant qu'il ne l'approchait pas trop de lui... Les larmes lui montant aux yeux, Gégé était au bout de sa vie et lui lança un appel au secours.

« Pourquoi tant de haine ? Mr Pleyade-Oz, puis-je aller soigner cette pauvre bête ? »

En temps normal, il lui aurait sans doute crié d'aller la reposer là où il l'avait pris et de continuer son travail, que tout ça allait être déduit sur son salaire. Sauf qu'il s'attendrit au dernier moment, juste avant de sortir une phrase cynique à souhait. Non, ne vous trompez pas, ça n'était pas la bouille de nain perdu qui l'avait fait s'amoindrir mais le souvenir de Prophessy le traînant dans une animalerie...

« D'accord, vous pouvez vous en occuper... Les yeux de Gégé se mirent à briller de milles lueurs avant même la fin de sa phrase. Mais ici, sur ce transat. »

Il avait pointé du doigt le transat voisin à celui de Zadig. Il n'aimait pas les chats et cet homme ? Ainsi soit-il, il serait servi. Gégé fut interloqué de cette condition mais se précipita tout de même vers le bain de soleil pour déposer le chaton et lui faire pleins de papouilles. Adorable..

Bref. « L’un des membres du réseau s’est fait arrêté hier, alors qu’il tentait de vendre à un client sa dose du vendredi soir. Après avoir enquêté toute la semaine, les enquêteurs ont pu arrêter plusieurs de ses complices, et arriver ainsi à irradié une branche de ce réseau de drogue. La police londoniennes ne compte cependant pas s’arrêter là puisqu’elle…… » « D'accord, vous pouvez vous en occuper... Mais ici, sur ce transat. » Wowowo. On se calme ! Il baissa une nouvelle fois son journal. Pleyade avait indiqué à ce gnoméo le transat de Zadig-Up. Il était sérieux là ? Il avait vraiment l’intention de soigner ce truc sur son transat. Il regarda son frère avec un regard noir, qui se déplaça presque machinalement vers le jardinier. Zadig se connaissait, il n’allait pas le supporter longtemps. « Non mais j’crois qu’on s’est mal compris là. » Le jardinier s’avança encore un peu plus vers lui, et posa son chat sur le bord de son transat. «Je pense, Mr Zadig-Upton vous avez un traumatisme vis-à-vis des chatons. Vous savez, je connais un parfait médecin qui s’occupe de ce genre de trouble et blablablablablabalablablablablablablabalbla... » Zadig fixait le chat qui lui aussi le fixait. En gros, ils se fixaient. Il détestait les animaux, et il ne comprenait réellement pas pourquoi il s’était pris d’ « affection » pour une chèvre-naine, qui ne s’accordait en aucun cas avec sa personne. Zadig ne pris même pas la peine de répondre au jardinier, le trouvant assez inutile comme ça. Les mains sales et pleines de terre de Gégé avaient déteintes sur le pelage du chat. A l’origine blanc, il était devenu marron merde. Bah.

Zadig ne put pas le supporter plus longtemps. Il fit un effort sur-humain pour prendre le chat par la peau du coup, et le jeta comme un sac poubelle sur Pleyade. « Tiens, garde ta merde. »